Lors d’un long entretien accordé à L’Equipe, Jean-Michel Aulas a rappelé sa volonté de faire changer la LFP d’avis sur la fin de la saison. Il paraît avoir beaucoup travaillé son sujet, ces derniers jours, et envisage des recours judiciaires : « Évidemment, Lyon n’avait pas fait une saison sportive exceptionnelle et je l’ai dit. À la 28e journée, nous sommes 7es, mais on est forts dans les sprints. Il y a donc un sentiment d’injustice de ne pas être européens. (…) J’ai beaucoup consulté ces deux derniers jours des hommes politiques, des hommes du foot, de droit. Il y a eu d’abord une erreur politique. Pourquoi se précipiter pour dire qu’il est difficile de jouer avant août ? Alors qu’on ne sait pas si les autres pays vont avoir le même jugement… Il fallait faire un tour politique des quatre autres grandes Ligues. La France du sport, c’est comme la France des entreprises, elle est en compétition. On ne doit pas se précipiter en politique si on n’a pas la certitude que les autres ne font pas pareil. Ensuite, il y a une erreur démocratique. Il aurait été utile de consulter tous les clubs par une assemblée générale. La Ligue a cru devoir arrêter le Championnat alors qu’on pouvait attendre 15 jours, 3 semaines, jusqu’à début juin, pour savoir si les entraînements individuels et collectifs pouvaient reprendre. L’UEFA nous avait mis sur la voie avec les play-offs. On a pris une solution injuste et erronée juridiquement. »
« On est en train de se pendre avec nos décisions »
Il souhaite que la décision de fin de saison soit prise en assemblée générale : « J’appelle à ce qu’on reprenne ces décisions lors de l’assemblée générale (ce lundi) ou celle du 23 mai. Je comprends les élus d’Amiens (19e) par exemple. Ou les dirigeants de Lille (4e) car l’équipe était plus proche que nous d’être en C1. C’est quoi le mérite sportif, comme disait l’UEFA ? Lyon a joué 44 matches depuis le début de saison, Nice qui pourrait être qualifié 32, dont 15 à domicile, nous 13. Si j’espère un retournement de situation ? Bien sûr et il le faut ! Si j’aurais accepté la situation si j’avais été 2e comme l’OM ? Mais pas du tout ! C’est une honte ! Si nous avions été deuxièmes, on aurait essayé de trouver une solution par les play-offs pour être champions. Pour le quotient de la Fédération, d’ailleurs, on verra ce que dira le CNOSF. Il ne fallait pas arrêter le Championnat. Ça va engendrer des recours probablement très importants. » Et il compte bien faire appel à la justice : « Pour le moment, j’appelle à la raison et à une concertation avec l’UEFA. Mais comment vont faire le PSG et Lyon pour jouer fin juillet, en cas de finale de la Coupe puis de Ligue des champions ? Il faut bien qu’on s’entraîne de nouveau. Cette situation est aberrante. Comment la présidente (de la LFP, Nathalie Boy de la Tour) et le directeur général exécutif (Didier Quillot) peuvent laisser cette situation perdurer ? »
Il s’attend enfin à ce que son combat soit difficile, mais estime que le football français se saborde : « Oui ce sera difficile, mais j’ai eu des présidents de clubs étrangers, ils sont tous atterrés par la décision prise par la LFP. On s’est assis très rapidement sur 250 M€ en faisant croire que le prêt PGE allait compenser. Les 40 présidents de clubs (L1 et L2), probablement pas à l’unanimité, vont prendre conscience du déficit économique incroyable qui s’annonce. On est en train de casser le mérite sportif énoncé par l’UEFA et casser la filière économique du foot pro. Pourquoi les autres clubs européens se battent pour terminer leur saison et en ont eu l’autorisation ? On est en train de se pendre avec nos décisions. »
Comme on pouvait s’en douter, Jean-Michel Aulas est prêt à tout pour défendre les intérêts de son club, quitte à fermer les yeux sur la complexité de la situation, le drame qui se joue dans les hôpitaux et, surtout, le souhait des joueurs d’en rester là. Car c’est une chose d’aller travailler avec un masque, et c’en est une autre de pratiquer un sport collectif. C’est un peu facile d’accuser la LFP, alors qu’elle cherche des solutions depuis le début de la crise et s’est conformée aux décisions du gouvernement. Au-delà des rivalités ou des intérêts sportifs et financiers, les multiples interventions du président lyonnais, en pleine crise sanitaire, ont quelque chose de très dérangeant. Espérons que ses confrères auront la décence de ne pas se rallier à son combat judiciaire. Espérons également que l’UEFA finira par prendre ses responsabilités.