4-3-3 de Villas-Boas : analyse et décryptage

Lorsque le dispositif tactique du coach portugais est mis au coeur du débat, beaucoup d’observateurs tiennent le même discours : « Système inadapté à l’effectif », « Strootman n’est pas une sentinelle » sans oublier le très classique « Payet n’a rien à faire à gauche »… Ces opinions répandues semblent vraies, au premier abord, beaucoup de joueurs semblant être à des positions « contre natures ».

Néanmoins, le match OM-Montpellier, probablement le plus abouti tactiquement de ces 4 dernières années, semble rendre ces idées reçues beaucoup moins évidentes. Et si le 4-3-3 n’était pas LE système à privilégier, envers et contre tous ? Analyse et décryptage.

André Villas-Boas

Un système de plus en plus cohérent

Forcément, si nous comparions les premières prestations de la saison, à celle contre Montpellier, certains pourraient dire qu’il est un peu facile de prendre un seul et unique match comme référence pour réaliser une analyse détaillée. Et si ce match n’était finalement pas juste un simple match réussi, sans raison apparente ? En guise de réponse, il est important de préciser que cet article n’est absolument pas influencé par la performance individuelle des joueurs, bien évidemment capitale au fonctionnement de tout système. A contrario, cet article a été particulièrement inspiré par l’incroyable liant montré par l’équipe, indépendant des compétences individuelles des joueurs.

Il a été particulièrement intéressant de voir pour la première fois une équipe avec onze joueurs sachant exactement ce qu’ils avaient à faire, et une rapidité dans les transitions de passe rarement vue ces dernières années. Il apparait évident que le travail d’André Villas Boas, initié en juillet, porte ses fruits, puisque la totalité des joueurs semble avoir correctement assimilé ce système. Et le changement de système en 4-2-3-1, contre Rennes, a semblé déstabiliser les joueurs, qui ont retrouvé leurs acquis en seconde période, dans un schéma étudié par le groupe depuis désormais 3 mois.

Ainsi, et si le système qui correspondait le mieux aux joueurs, n’était pas le 4-3-3 originel ?

Un système hybride

La référence tactique de tous supporters de l’OM, de ces dernières années, est bien évidemment le système de Marcelo Bielsa. Ce système tentait de se rapprocher de la perfection footballistique, avec une philosophie consistant à dire que plus haute est la ligne de récupération, plus solide l’équipe sera.

Cette philosophie a clairement été retrouvée sur le match contre Montpellier, les joueurs de la Paillade l’ont dit eux-mêmes, ils n’avaient pas l’intention de joueur à 10 devant leur but, mais c’est bel et bien l’OM qui les a poussés à le faire. Comment ? Tout simplement par un pressing de tout instant exercé par la ligne de 4 : Payet – Sanson – Lopez- Germain dès la récupération adverse. Strootman, quant à lui, avait comme objectif de couvrir ce pressing intense, en profitant de la relance montpelliéraine altérée par le pressing marseillais. Cette pression intense a permis aux deux latéraux de rester en position haute, tout au long du match, et de pouvoir attaquer à 6, tout en continuant à empêcher l’adversaire de jouer.

Chronique tactique OM
Cas d’un pressing intense mis en avant contre Montpellier, avec un 3 contre 3 réalisé sur le côté gauche, au niveau de la surface de réparation montpelliéraine.

Cruyff, puis Guardiola après lui, adorait expliquer à leurs joueurs qu’attaquer consistait également à anticiper la récupération future de l’adversaire. Et nous avons vu cette caractéristique assez régulièrement durant ce match. Les joueurs ne se déplaçaient pas seulement pour pouvoir apporter offensivement, mais aussi pour anticiper la récupération future de l’adversaire. Tout au long du match, on a vu Payet et Germain, se permettre de reculer sur la ligne de Strootman, lorsque Sarr, et Amavi, se positionnaient au niveau de la ligne de hors-jeu. De même, pour Morgan Sanson, joueur le plus haut sur le terrain par moment que Benedetto compensait par un décrochage.

analyse tactique OM
Lorsque Payet est excentré, Amavi attend le ballon en position plus haute (devant le Réunionnais).

Cependant, nous connaissons tous le problème d’un tel système, et nous avons suffisamment pu le voir déjà, à l’époque de Marcelo Bielsa. Un pressing intense pendant 90 minutes est-il possible, sans la moindre saute de concentration ? Le fait de voir que l’OM a maîtrisé son match, tout en encaissant 3 buts (pour un seul accordé), peut mettre la puce à l’oreille. Cette position haute impose un pressing de tous les instants, et la moindre absence de pressing sur un des compartiments du terrain peut rendre toute l’équipe très perméable. Sur l’intégralité des buts montpelliérains, le MHSC n’a eu besoin que de 3 joueurs pour amener le danger. Tout simplement, car une absence de pressing de quelques secondes peut entrainer, en deux passes, un surnombre de l’adversaire sans avoir à se découvrir. Ce système est donc très intéressant, à condition d’avoir la justesse technique contre un adversaire regroupé, ce qui n’a pas toujours été le cas, lors de la visite des Héraultais.

D’autre part, le match suivant à Dijon a laissé présager quelques difficultés de récupération physique, 72 heures après. Donc une question se pose : est-il réaliste de croire qu’un tel pressing peut tenir sur la longueur d’une saison ? Ne se dirige-t-on pas vers un nouveau crash physique, connu lors de l’année Bielsa ?

Pas tout à fait.

À la différence de la philosophie et de l’entêtement de Bielsa à garder ses principes, quel que soit le niveau physique de l’équipe, le système a déjà fait ses preuves dans une configuration très différente, beaucoup plus défensive, capable de faire « le dos rond ».

En effet, nous avons pu voir à Nice, et contre Saint-Étienne que cette équipe pouvait tout à fait se montrer davantage dans la gestion, en étant beaucoup moins intense au pressing. À l’Allianz Riviera, par exemple, il a été rare de voir plus de 4 joueurs positionnés haut sur le terrain en même temps (l’OM attaque à 4 sur le but de Benedetto), constat totalement contraire au match contre Montpellier, présenté ci-dessus, où l’OM était en permanence avec 6 à 7 joueurs en position haute.

Tactique André Villas-Boas OM
Illustration du choix de contenir plutôt que de presser en position basse, aucun marseillais n’étant au contact du porteur de ballon.

Dispositif si différent ?

Pas sur le papier, puisque nous disposons toujours d’un même onze. Cependant, les rôles peuvent être très différents. Les latéraux, par exemple, ailiers contre Montpellier, n’avaient que très peu dépassé le milieu de terrain, leur rôle se concentrant principalement sur la relance. Strootman, quant à lui, a un rôle déterminant dans un système en position basse, puisqu’il est la « rampe de lancement » de toutes les actions marseillaises (exemple : le but). Les deux milieux relayeurs, très mobiles, et toujours en recherche d’activité sur tous les compartiments du terrain dans un dispositif haut, sont beaucoup plus axiaux dans ce cas précis, pour amener davantage de verticalité.
Cette dualité permet à André Villas Boas de pouvoir amener différents ingrédients, suivant les caractéristiques de l’adversaire, ainsi que la forme physique à date de ses joueurs.

Positionnement des joueurs, conforme au papier ?

Enfin, la dernière partie de cette analyse va permettre de répondre à l’ensemble des idées reçues au sujet du positionnement de Dimitri Payet, de l’incapacité de Strootman à tenir ce poste de relayeur.

Payet joue-t-il réellement ailier gauche ? Cela dépend bien évidemment du positionnement de l’équipe. En positionnement haut, le Réunionnais n’est en réalité quasiment jamais le long de ligne de touche, et on constate, à travers différentes phases de jeu que Morgan Sanson est en réalité presque  » l’ailier gauche « . Les apports de l’ancien Montpelliérain sur l’aile gauche sont capitaux pour permettre à Payet de rester proche de Benedetto. Lors du match contre Montpellier, ceci a été parfaitement illustré puisqu’on a vu de nombreux débordements de Sanson, très actif sur l’aile gauche, et un Payet beaucoup plus axial. Lors du match étudié, les deux relayeurs occupaient la largeur du terrain. Très souvent, Sanson couvrait Jordan Amavi, alors que Lopez couvrait Sarr. Maxime Lopez et Morgan Sanson recevaient le ballon dans une position très excentrée, et pouvait choisir entre rentrer à l’intérieur, où jouer devant eux sur les latéraux, positionnées hauts.

Positionnement tactique OM
Positionnement excentré de Maxime Lopez en possession du ballon, et Payet qui vient réclamer le ballon, tel un électron libre.

Cependant, comme dit précédemment, en position basse, les deux relayeurs sont chargés de rester devant la sentinelle pour amener davantage de verticalité. Du coup, c’est bien à Payet de mener les actions depuis l’aile gauche.

Tactique de l'OM
Positionnement de Payet à Nice, beaucoup moins libre de rentrer dans l’axe, avec Sanson en solution intérieure.

Strootman, au vu de ce qui lui est demandé, a toutes les caractéristiques pour amener ses compétences, quel que soit le positionnement de l’équipe. En anticipation des relances adverses gênées par le pressing, ou plus proche des défenseurs, en première rampe de lancement. Il n’est pas attendu de voir de sa part une sentinelle à la Alou Diarra, très physique, mais plutôt un joueur intelligent, qui anticipe. Cependant, le reproche que l’on risque de lui faire, face à des équipes montrant davantage de technicité, est un manque criant d’impact, par moment. C’est en ce sens-là que peut intervenir Valentin Rongier, nouvel arrivant, qui a déjà démontré contre Rennes, en amenant une panoplie différente de Maxime Lopez, qu’il était capable de mener les attaques marseillaises avec une technique au-dessus de la moyenne, mais surtout, d’être davantage accrocheur face à des individualités très vives.

Alors, et si ce 4-3-3 n’était pas la clé de voute d’une saison réussie ? Réponse dans les prochains mois.

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