Crise : Eyraud, Garcia, les joueurs… Qui est responsable ?

L’OM reste sur 7 défaites, 2 matchs nuls et 2 victoires en 11 rencontres. La confiance affichée par Jacques-Henri Eyraud ne nous y trompe pas : la situation est très inquiétante, tant sportivement que financièrement.

Zubizarreta, McCourt et Eyraud

Winter is coming et la marge de manoeuvre est désormais très réduite : le projet pourrait exploser avant même d’avoir décollé. La responsabilité de Rudi Garcia est plus qu’établie puisque neuf joueurs sur dix n’évoluent pas à leur meilleur niveau. On peine aussi à se souvenir d’un entraîneur de l’OM s’étant remis d’une telle situation sportive : son départ serait inéluctable dans la plupart des clubs ambitieux. Le hic, c’est que son limogeage représente un tel désaveu pour ses dirigeants qu’il implique leur profonde remise en question. JHE et ses conseillers sauront-ils mettre leur ego de côté pour amener (éventuellement) le club dans la bonne direction, plutôt que dans le mur ? Ce n’est pour l’instant pas évident.

Un quinquagénaire dans le déni ?

Le président de l’OM l’a annoncé d’emblée : il considère qu’un club de football doit être géré comme une entreprise, et en particulier dans des idéaux d’éthique et de fidélité. Comme Sam ‘Ace’ Rothstein avec Ginger, il a accordé une confiance aveugle et donné la clé du coffre à Rudi Garcia. Il s’est aussi volontairement privé du levier lié à son possible remplacement en anticipant sa prolongation, il y a quelques semaines, malgré les avis mitigés de ses collaborateurs.

JHE a pensé que le coach était l’homme idoine pour manager et piloter l’équipe phocéenne sur le long terme, à la façon d’Arsène Wenger à Arsenal ou de Diego Simeone à l’Atlético Madrid. Il n’a peut-être pas envisagé que ce qui était possible dans un club cosy de Londres ne l’était pas forcément dans le contexte marseillais. Il ne semble pas non plus avoir mesuré les différences de connaissances, en termes de football, entre Garcia et El Cholo.

Il fait aussi peu de doute qu’Eyraud ne s’attendait pas à ce qu’un entraîneur qui avait eu quelques résultats en France et en Italie puisse se révéler être une quiche dans le volet mercato de Football Manager. Car pourquoi faire bosser le directeur sportif et ses scouts, lorsqu’on a un technicien hors pair désireux de tout contrôler et d’assurer toutes les fonctions en même temps ? Le constat est cinglant : en deux ans, le coach marseillais a commis énormément de bourdes.

Le président s’était révélé loquace, hyperactif même, quand il s’était agit d’évoquer les immenses ambitions du projet Frank McCourt. Le discours, coupe d’Europe à la main, reste dans toutes les têtes. Mais alors qu’Aulas multiplierait les tweets pour endiguer la crise sportive, JHE se fait actuellement très discret, tant sur la situation sportive que sur les responsabilités du recrutement estival. Remarquez, c’était possiblement son rôle de prendre le recul nécessaire et d’anticiper les risques.

L’amour du risque de Garcia

Avec les 30 millions d’euros investis sur Dimitri Payet, le ton était donné, l’hiver 2017. A ce moment-là, l’idée que cet OM disposait de davantage de trésorerie qu’annoncé par Frank McCourt a effleuré l’esprit de nombreux supporters. Miser autant sur le 17e du classement du Ballon d’Or, lequel se rapprochait de ses 30 ans et donc sans espoir de récupérer sa mise, était digne des clubs les plus riches d’Europe. Ça n’a toutefois pas choqué grand monde au club, et Rudi Garcia a basé la majorité de son recrutement sur des joueurs qu’il connaissait, aguerris, donc plutôt sur la fin, et pourvus d’un gros salaire.

Pour la majorité des cas, et avec la bénédiction de ses dirigeants, il ne s’est soucié que du rendement présent : il était évident que la plupart ne seraient pas revendus au même montant. On se rend aujourd’hui compte que l’investissement de McCourt atteint ses limites, ce qui induit que le risque pourrait se révéler dramatique si les résultats ne suivent pas, et que ses employeurs ont été très naïfs. Il est bien sûr facile de parler après un mercato, un peu moins de donner les bonnes idées, sur le moment. La réussite d’un recrutement se mesure aux résultats et à l’atteinte des objectifs, ce qui explique l’amertume de cet édito.

Faire signer quelques cadres trentenaires pour accompagner des éléments prometteurs, c’est normal. Mettre plusieurs dizaines de millions d’euros sur Sertic, Evra, Mandanda, Mitroglou, Germain, Abdennour, Rami ou Strootman, ça l’est un peu moins et il faut ensuite savoir l’assumer. On note aussi que la leçon de l’été 2017, avec les discussions interminables pour le poste de numéro neuf, n’a pas été retenue en 2018 : les négociations avec Mario Balotelli ont duré au moins deux mois, comme s’il n’y avait que lui et ses 106 kilos sur le marché.

Le clash avec le Lopez du 59

Cette première partie de saison, le collectif olympien s’est effondré. Certains membres du vestiaire semblent avoir atteint leurs limites mentales, voire physiques, en 2017-2018. Le pari de la stabilité, qui devait permettre à l’OM d’avoir de l’avance sur ses concurrents dès les premières journées de Ligue 1, a complètement échoué : Garcia ne s’est pas rendu compte assez tôt que son groupe nécessitait un renouvellement plus profond.

Il est difficile de passer à côté de la comparaison avec le projet du LOSC, qui a investi beaucoup moins, l’été passé (9 millions d’euros pour les arrivées, ou une balance de +50 millions d’euros sur le mercato), et qui partait de plus loin, avec les moqueries en prime. Le club de Gérard Lopez a retourné la situation en une dizaine de transferts, sans que Christophe Galtier n’ait eu à mettre son nez dans le mercato. Luis Campos, directeur sportif bien dans son rôle, a réussi quelques coups de maître. Il a, au contraire d’Andoni Zubizarreta, les mains libres pour utiliser son réseau et conclure des deals.

Le bilan du recrutement marseillais fait mal : depuis l’arrivée de Frank McCourt, 180 millions d’euros ont été investis dans les mercatos, et, pour l’instant plus de la moitié des recrues sont des bides (ce qui n’exclut pas que certains fassent mieux, ces prochains mois).

Garcia rêvait de jouer en 5-4-2

Il est ainsi pénible d’imaginer les arguments trouvés par Garcia, en interne, pour justifier de ne plus aligner des recrues qui ont nécessité 60 millions d’euros d’investissements (ou une balance de -30 millions d’euros sur le mercato) : « Mais si, rappelle-toi Jacques-Henri, je te l’avais expliqué : j’ai pris Duje pour remplacer Abdennour… Donc évidemment qu’il est sur le banc ! Quant à Strootman et Radonjic, ils ont simplement besoin de passer quelques mois sans jouer pour s’adapter à l’exigence physique de la Ligue 1. Je t’assure qu’avec un peu de gras au bide, ils seront plus solides dans les contacts. J’ai aussi prévu de leur faire prendre de la hauteur en tribunes pour qu’ils s’habituent aux appels à contre-pieds de Germain et Mitroglou. »

Plus sérieusement, il serait intéressant que Rudi Garcia nous explique, un à un, les choix des recrues qui jouent à côté de leurs pompes et ne rentrent pas dans son système de jeu. Il a par exemple trois attaquants, dont aucun n’a le profil pour sa tactique. Le positionnement de Payet semble même parfois poser question. A-t-il réfléchi à l’intégration des nouveaux dans son équipe ?

Pour reprendre les termes de ses détracteurs, le fond de jeu est globalement inexistant et l’animation offensive complètement stéréotypée. Au point que l’on peut se demander si ces éléments sont travaillés à l’entraînement. Les adversaires ont en tout cas clairement trouvé la parade. On peut enfin s’interroger sur l’ambiance du groupe marseillais. Mathieu Grégoire, avec ses exclusivités sur les salaires en provenance de la capitale, pense qu’elle est exécrable. D’autres se posent des questions sur un éventuel problème d’ordre physique, psychologique, voire même psychique.

Quel avenir pour le Champions Project ?

Compte tenu des jurisprudences marseillaises, on peine à croire que Garcia parvienne à apporter un nouveau souffle à son groupe. La solution qui vient naturellement pour relancer l’OM implique une fin de mission et le versement d’une belle indemnité. Eyraud remettra-t-il en cause ses choix (sans se vexer) dans le but de s’éviter une saison à la Louis-Dreyfus du début des années 2000 ? Ou s’obstinera-t-il au contraire dans son idée (à tort ou à raison) ? On peut encore croire à ce projet, car les changements survenus depuis deux ans sont profonds. Néanmoins, on peut considérer que sa réussite est intimement liée aux prochaines décisions des dirigeants.

La réponse pourrait venir de Frank McCourt, qu’on imagine bien sortir du bois et taper très fort sur la table. Si Eyraud manque actuellement de poigne, l’Américain devrait être motivé par la défense de son investissement. Car après toutes les annonces faites en 2016, il a certainement conscience que ne pas même parvenir à obtenir un billet pour la Ligue des Champions et se faire devancer par les Nordistes serait ridicule.

Il ne s’agit par ailleurs pas de dédouaner les joueurs de leurs responsabilités. Le déficit d’implication est criant et il ne fait pas de doute que certains se ménagent et trichent. Qu’il ne se fassent pas de film : l’histoire a depuis longtemps démontré que les individualistes qui rechignaient à travailler pour le groupe finissaient par le payer. Et éliminer Salzbourg et Leipzig en C3 pour prendre une claque contre l’Atlético n’a pas fait d’eux des Cristiano Ronaldo. Une fois n’est pas coutume, ce mois de décembre, la gueule de bois précède les fêtes.

Accord, désaccord ? A vos arguments !

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