« Je ne sais pas ce qui s’est passé, on a été moins mobile, on a mis moins de rythme, trouvé moins d’enchaînements, certainement parce qu’on a joué moins simple, on a peut-être cherché trop compliqué. » L’aveu émanait de Rudi Garcia lui-même, dimanche, lors de la conférence de presse d’après-match. Un constat d’impuissance qui fait froid dans le dos, alors que l’OM traverse l’une de ses pires périodes, depuis le démarrage de l’ère McCourt.
Rudi Garcia sait se montrer incisif à l’égard des arbitres, dans les conférences de presse. Contre les joueurs aussi, lorsqu’il tente de piquer ces « branleurs ». Le coach s’étend a contrario rarement sur les détails de ses propres responsabilités. Qu’elles soient liées au mercato, à la tactique employée ou à son management, elles sont pourtant au coeur du problème marseillais, en cette fin d’automne. L’ancien Romain est-il le technicien attendu pour mener l’OM vers les sommets ? Il ne tire pour l’instant pas le meilleur de la plupart de ses joueurs et la question commence à se poser.
Garcia a eu toutes les cartes en main
Même s’il partait de loin, aucun entraîneur n’a bénéficié des moyens mis à la disposition de Rudi Garcia, à l’OM. Et ce même sous les années Bernard Tapie, puisque le boss imposait ses choix tactiques et était le seul décisionnaire du mercato, et que les structures équivalaient celles d’un club amateur. Depuis son arrivée, l’ancien Lillois a eu la mainmise sur l’ensemble du domaine sportif et sur le recrutement. Il a aussi eu l’opportunité de s’appuyer sur un staff très complet, qui a encore été renforcé l’été dernier.
La stratégie de confiance absolue prônée par Jacques-Henri Eyraud, depuis 2016, tarde à porter ses fruits. 2018-2019 devait être la saison du décollage, l’avion reste fermement accroché à la piste. Compte tenu des investissements, les claques déjà subies à Nîmes (1-3), Lyon (2-4), Lille (0-3), Montpellier (0-3) et Francfort (0-4) sont incompréhensibles : il faudra plus qu’un discours de façade pour les faire digérer au public phocéen.
Ce collectif qui ne progresse pas
A Monaco, Leonardo Jardim était grassement payé mais devait composer avec une bonne dizaine de départs importants, chaque saison. Il travaillait quelques mois, après la trêve estivale, pour recréer un collectif digne de ce nom, dans un contexte, il est vrai, différent de celui de Marseille. Rudi Garcia a bénéficié de plus de deux ans pour imprimer sa patte sur le groupe marseillais. Pour autant, le collectif ne prend pas et son équipe semble notamment incapable de marquer des buts autrement que par des exploits individuels.
Un problème de méthode ? L’entraîneur olympien a indiqué laisser beaucoup de liberté à ses éléments offensifs, et ces derniers paraissent jouer une succession de partitions solos. La Thauvin-dépendance est affolante et favorisée par les appels à contresens de Valère Germain et les terribles crises de confiance de Kostas Mitroglou. Pire, Garcia ne semble pas disposer d’un seul attaquant « compatible » avec le système tactique qu’il a mis en place. Il est pourtant lui-même responsable de leur venue : le rôle d’un entraîneur n’est-il pas d’adapter le système à ses joueurs, et le recrutement à son système… ?
Le mercato estival 2018, véritable fiasco ?
L’été dernier, l’OM a investi 65 millions d’euros, en tenant compte des 25 millions d’euros (hors bonus) apportés par Frank Zambo Anguissa. Une somme très importante au regard de l’histoire marseillaise. Duje Caleta-Car, recruté en échange d’un chèque de 20 millions d’euros et présenté comme le futur partenaire d’Adil Rami en défense centrale, cire le banc de touche. C’est aussi le cas de Nemanja Radonjic, dont on ne sait pas s’il saura franchir le palier qui sépare un club comme l’Etoile Rouge de l’OM. Enfin, Kévin Strootman paraît doucement trouver ses repères, mais il n’est pas évident qu’il saura justifier les 25 millions d’euros (hors bonus) déboursés pour le faire venir.
Les renforts sont arrivés très tard, ce qui n’a pas favorisé leur acclimatation. Ce n’est pas seulement dû au Mondial russe, puisque les dirigeants ont perdu énormément de temps avec le (très) pesant Mario Balotelli et son pizzaiolo, Mino Raiola. Et en admettant que Caleta-Car et Radonjic aient été recruté pour 2019-2020 (en anticipant une longue période d’adaptation), l’OM aurait quand même dû compter un temps d’avance sur ses concurrents : Garcia a pu conserver ses meilleurs joueurs et son équipe était déjà rodée.
L’inquiétante stratégie de recrutement des trentenaires
Payer des joueurs de 28-30 ans au prix fort, comme ça a été le cas avec Dimitri Payet et Kévin Strootman, a du sens si l’on dispose d’une enveloppe très conséquente. Mais l’annonce du passage à la « phase II » sous-entend que la période d’investissement est quasi terminée. On en déduit donc que les dirigeants ne feront plus de folie et qu’une non-qualification pour la Ligue des Champions, cette saison, pourrait précipiter l’ « OM Champion Project » dans le mur (mais pas l’ « OM Next Generation »).
Plus généralement, la politique d’achat de trentenaires apporte au moins deux certitudes : ils seront moins performants à la fin de leur contrat qu’ils ne l’étaient à leur arrivée, et il n’y aura pas de plus-value avec eux. Une bonne partie des sommes investies ne sera ainsi pas récupérée. Cette stratégie peut se justifier car elle réduit certains risques. Mais elle peut donner le sentiment que le recruteur en chef, Rudi Garcia, ne s’est pas vraiment soucié de l’avenir de l’OM, pour le cas où son travail ne porterait pas ses fruits.
Le football est farci d’expériences impliquant des coachs performant dans leur métier, au quotidien, et beaucoup moins compétents lorsqu’il s’agit de choisir les renforts. Jacques-Henri Eyraud ne semble toujours pas avoir mesuré le risque que constituait de donner toutes les clés à Garcia, puisqu’il a validé sa prolongation avant d’être certain qu’il atteindrait ses objectifs.
Pour la première fois, depuis 2016, l’OM n’affiche pas la progression attendue. Ce n’est peut-être pas alarmant comme voudraient nous le faire croire certains artistes tagueurs, mais c’est inquiétant. A Marseille, la spirale négative peut terrasser une équipe fragile et la précipiter en enfer. Pour rester hors de son influence, les dirigeants devront être plus vigilants et trancher si nécessaire, le staff devra se remettre en cause et trouver des solutions, et le vestiaire ne devra rien lâcher et dégonfler les melons de ceux qui pensent pratiquer un sport individuel.
D’accord, pas d’accord avec l’édito ? A vos arguments !