Médias, supporters, … Arrêtons l’hypocrisie sur le projet McCourt !

Un avis, parmi d’autres, au sujet des remous qui font tanguer le navire olympien.

Eyraud

Bien qu’il paraisse s’inscrire sur une longue échéance, le projet McCourt, alias ‘OM Champions Project’, est déjà envoyé à la cave par certaines des voix influentes du football français, voire de la galaxie olympienne. Des questions nous taraudent néanmoins : quelques-unes des critiques récentes ne sont-elles pas trop fracassantes, voire basées sur pas grand-chose, pour être totalement objectives ? Les nouveaux dirigeants sont-ils victimes d’une campagne de décrédibilisation ?

Toutes les attaques ne sont pas injustifiées

Autant être clair, les résultats ne sont pour l’instant pas à la hauteur des attentes. La rouste subie à Monaco est historique et ne peut pas être passée sous silence. Elle est le résultat de défaillances inadmissibles, individuelles et collectives, et de choix très discutables de Rudi Garcia. Si l’ancien Lillois est l’homme de la situation, il devra le démontrer dans les prochaines semaines, alors qu’il paraît avoir grillé ses jokers et ne semble pas parvenir à tirer le meilleur de ses joueurs. À y regarder de plus près, le technicien ne donne pas toujours l’impression de vouloir adapter son système à leurs qualités (à moins d’être dos au mur), mais plutôt de les faire rentrer dans son schéma, de gré ou de force. Son travail sera analysé à la loupe, dans les prochains mois.

Rudi garcia

On peut aussi pointer du doigt la communication très travaillée mais tellement maladroite de certains dirigeants. Pour autant, ne perdons pas de vue combien le poste de président du club marseillais est exposé. Il nécessite de l’indulgence et, au contraire de certains prédécesseurs, on peut accueillir favorablement le fait que Jacques-Henri Eyraud ne se cache pas derrière des fusibles. Enfin, en ce qui concerne le choix des recrues, le classement final donnera la meilleure évaluation qu’il est possible d’avoir, le reste n’étant que supposition. L’objectif de cet édito n’est pas de faire une chasse aux sorcières, dont les cibles seraient les mécontents, mais plutôt de placer le curseur sur un manque éventuel d’objectivité.

La pression surdimensionnée des médias

Commençons par un flash-back. Il y a un an, L’Équipe se faisait un malin plaisir d’énumérer le nombre de cambriolages dont avaient été victimes les joueurs de l’OM, les dernières années. Le journal, qui se voulait alarmiste et paraissait traiter de la French Connection, oubliait étonnamment de comparer les statistiques avec celles des Parisiens (sensiblement le même nombre, Ndlr). 20 Minutes s’en est chargé à sa place et, n’en déplaise à Mathieu Grégoire, nous a appris que non, les Olympiens n’étaient pas victimes de plus de vols que leurs confrères de la capitale. Cette petite étourderie a pourtant eu un impact important, puisqu’elle a entretenu le mythe d’un contexte marseillais sulfureux. Le quotidien alimentait le côté obscur du club phocéen qu’il dénonce si souvent. Mais si quelques lecteurs se demandent jusqu’où sont capables d’aller des journalistes sportifs pour booster leur audience ou faire progresser leur popularité, ils ont peut-être trouvé une réponse dans ce début de saison 2017-2018.

Depuis quelques semaines, les poids lourds de la presse footballistique (L’Équipe, RMC, ou encore France Football, pour ne pas les citer) semblent chercher des noises au club olympien. Les sujets polémiques ont été nombreux : le « fake project », malgré le travail réalisé et les sommes investies, la blessure cachée de Kostas Mitroglou, les interrogations des joueurs sur leur entraîneur, les tensions Rudi Garcia-Andoni Zubizarreta, la démission imminente du directeur sportif, les hésitations de Rudi Garcia avec Stevan Jovetic, ou encore l’épisode de l’hélicoptère… Lorsque RMC, puis L’Équipe, ont interrogé Michel Tonini, à n’en pas douter l’un des « supporters » les plus aigris du Vélodrome, attendaient-ils un avis objectif ? Ne se doutaient-ils pas que les dirigeants allaient en prendre plein la gueule ? De là à imaginer qu’ils l’ont choisi pour que ça colle avec le ton de leur article, il n’y a qu’un pas.

Le phénomène n’est pas vraiment différent en ce qui concerne les résultats sportifs. Tous les ans, l’OM passe du candidat au titre, après une série de trois victoires, à celui de prétendant à la dixième place, après deux défaites (et ce ne sont pas les fans qui en sont à l’origine, comme c’est trop souvent rapporté). Paradoxalement, ces médias sont responsables d’une bonne partie des excès qu’ils dénoncent. Le rôle qu’ils occupent dans la mise sous pression des joueurs phocéens n’est pas à prendre à la légère, même s’il s’agit certainement du revers de la médaille représentant le club le plus populaire de France. Et les supporters ont depuis longtemps accepté l’idée qu’un OM en crise faisait davantage vendre de papiers qu’une analyse tactique approfondie.

Les virages et le commerce des abonnements

108 millions d’euros : c’est le montant injecté par Frank McCourt, depuis son arrivée. Une somme que certains minimisent mais qui a permis les recrutements de Steve Mandanda, Aymen Abdennour, Adil Rami, Jordan Amavi, Patrice Evra, Luiz Gustavo, Grégory Sertic, Dimitri Payet, Morgan Sanson, Florian Thauvin, Valère Germain, Kostas Mitroglou et Clinton Njie. Mais à quoi ressemblait l’équipe avant ? On peut qualifier cet investissement d’énorme, à l’échelle des footballs français, allemand, espagnol ou italien (l’Angleterre, avec ses droits TV, est hors catégorie). Grâce à lui, l’OM est le sixième club européen à avoir le plus investi, cet été, selon le CIES.

Frank McCourt

Objectivement, Frank McCourt a-t-il fait de vraies promesses ou simplement part de ses ambitions, à son arrivée ? A-t-il des comptes à rendre alors qu’il investit des fortunes ? En partie, oui, mais peut-être pas autant que certains le pensent en tribunes. L’OM n’est pas le Barça (le projet des socios ne décolle pas) et les supporters n’en sont pas les propriétaires. Si les groupes ultras dépendent du club, l’inverse est un peu moins vrai. L’Olympique de Marseille existait bien avant leur création et, malgré leur importance, il y a fort à parier qu’il survivrait à leur disparition. Cela n’empêche pas quelques voix influentes dans les travées olympiennes de se figurer que l’Américain met 1/15e ou 1/20e de ses propres deniers sur la table pour se « foutre de la gueule » des fans. Un raisonnement qui ne tient pas la route, à moins que les motivations ne soient autres.

Alors que l’équipe est, sur le papier, plus attrayante que celle de la saison passée, la colère affichée ces derniers jours par certains groupes ultras interpelle. Il faut dire que l’histoire récente nous a appris à nous méfier des grandes causes défendues par quelques chefs de groupes. Et les virages ont été bien moins véhéments durant la majorité de l’ère LD, tandis que les ambitions étaient faméliques et les résultats très décevants, qu’ils ne le sont en ce moment. L’acrimonie ne pourrait-elle pas être liée à un autre paramètre, comme le changement de mode de commercialisation des abonnements des virages, survenu en février 2016 ? Vincent Labrune n’a pas caché sa fierté d’avoir fait tomber le système mis en place par Bernard Tapie, mais l’accord a ensuite souvent été dénoncé. Les équipes de McCourt et Eyraud payent peut-être des négociations faites dans l’urgence, dans l’optique d’une vente rapide du club, et que les associations regretteraient maintenant. En plus de devoir assumer les tuiles de la direction précédente, les nouveaux dirigeants feraient face à un courroux qu’ils ne pourraient endiguer sans faire marche arrière. Et cela irait probablement à l’opposé de l’idée qu’ils se font de la billetterie.

Cela n’a pas toujours été le cas, ces dernières décennies, mais l’actionnaire met le paquet, les dirigeants bossent et cherchent des solutions pour transformer un club qui a manqué le wagon de la modernisation et de l’internationalisation. Sans parler du mercato, face émergée de l’iceberg, il faudra assurément plusieurs saisons pour voir les résultats de la politique mise en oeuvre en termes de merchandising, de formation, ou encore de sponsoring (la face immergée). Il est vraiment difficile de prendre au sérieux ces commentaires visant à attiser les tensions, ou à carrément tirer un trait sur un projet, au soir de la 5e ou de la 6e journée. Sommes-nous à ce point encore affectés par l’ère Louis-Dreyfus que l’on saborderait notre projet ambitieux, avant même qu’il soit mis en place ? Ou alors, certains d’entre nous ont-ils des intérêts divergents et sommes-nous face à une énorme hypocrisie ? L’avenir nous le dira.

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