Son quotidien n’a pas vraiment changé : « Si je vis caché ? Pas du tout ! Je fais trente à quarante minutes de footing par jour chez moi, dans le XIIe arrondissement, pas loin de la Commanderie. Si je dois faire des courses avec ma femme, je les fais. Parfois, on m’asticote un peu, mais cela fait partie du métier. Et puis, j’ai de la répartie », a-t-il expliqué à l’hebdomadaire. La pression inhérente à ce poste si exposé ne le perturbe pas autant que l’on pourrait le penser : « Ce que j’aime dans ce métier ? Garder son contrôle, même dans les moments difficiles. Parfois, plus il y a de pression et plus je me sens bien. Même si j’extériorise peu. Bien sûr, on aimerait être à la place que l’on mérite, selon moi, par rapport au jeu que l’on produit. »
Il s’agit toutefois d’un travail chronophage, qui grignote sur sa vie privée : « J’arrive au club à huit heures le matin, j’en pars à 17 heures, mais après, je rentre à la maison et le soir, quand je regarde la télévision, j’ai toujours mon ordinateur allumé et des matchs qui tournent. On réfléchit tout le temps. (…) Dans la nuit, je peux me refaire le match deux ou trois fois. Des choses qui ne me rentrent pas dans la tête, une séquence qui aurait dû se passer autrement, je cherche à comprendre. » Il a aussi indiqué qu’il n’appréciait pas particulièrement les surnoms « El Local » ou « Low Coach » dont on l’a parfois affublé : « J’aime plaisanté, moi aussi. Il n’y a pas de problème. Mais lorsque la plaisanterie dure, on se demande si ça n’est pas un manque de respect. »
Au contraire d’autres entraîneurs, qui bénéficient rapidement d’une chance d’entraîner, Franck Passi a longtemps attendu son heure. Il a ainsi pu apprendre de divers techniciens, en particulier El Loco : « Mon parcours du combattant ? C’est très formateur. (…) Il faut mettre les mains dans le cambouis. C’est ce que j’ai fait pendant quatre ans, au contact de très bons entraîneurs. Prendre des idées et établir son propre plan de travail parce que ça n’est pas du copier-coller. Je me rappelle que Marcelo (Bielsa) m’avait raconté une fois qu’un de ses anciens adjoints avait voulu faire du Marcelo. Je l’avais regardé et je lui avais dit : « C’est impossible ! Pour faire du Marcelo Bielsa, il faut être Marcelo Bielsa ! » Il n’y a que lui qui puisse sauter sur les joueurs à l’entraînement comme des images l’ont montré. Il faut avoir ça en soi. Il faut se construire comme entraîneur. »
L’Argentin lui a apporté une nouvelle vision de la profession : « Dans sa manière d’exercer sa fonction. Il a augmenté de moitié la capacité de travail de chacun d’entre nous. (…) Il a aussi révélé, par des mots, tout ce qui est l’essence de ce football offensif que j’ai connue en Espagne. (…) Rapidement, je suis devenu le relais parce qu’il fallait que je traduise bien ses idées. » Ainsi, si la Ligue 1 n’a pas réservé un bon accueil au Rosarino et que certains consultants n’ont pas hésité à s’en prendre à ses idées de jeu, Passi ne partage pas leur avis : « Ce n’était pas loufoque. Comme pas grand monde parlait espagnol, j’ai passé une année à essayer d’expliquer que l’idée de Marcelo était de transposer le jeu de 5-5 à l’entraînement en un jeu de 11-11. Tout le monde attaque, tout le monde défend. Avec des mécanismes de couvertures défensives et de coulissages très bien réglés. Mais pour ça, il aurait fallu que je travaille un peu plus longtemps avec la même équipe », a-t-il ajouté.
Enfin, s’il est difficile de débuter dans ces conditions à Marseille, où les supporters sont très exigeants, l’entraîneur estime être armé pour relever le défi : « J’ai appris de tous ces gens-là, de l’organisation de Michel, du jeu attaque-contre-attaque de Bielsa, de Baup, de tous… (…) J’ai essayé dans un coin de ma tête de garder toutes les bonnes choses des uns et d’éliminer ce qui ne me plaisait pas par rapport à ma vision du foot. À partir de là, je me suis construit moi-même. » Visiblement apprécié de ses joueurs, Franck Passi aura l’occasion de démontrer que son équipe progresse, face à Metz, dimanche prochain.