Pendant sept saisons et demie (car il semble s’être un peu économisé avant le Mondial 2014), Mathieu Valbuena a porté haut les couleurs phocéennes. De Liverpool à Dortmund, il a inscrit quelques buts qui resteront dans les mémoires des supporters. Pour autant, dimanche soir, le footballeur a été la cible d’une haine féroce de la part de ses anciens adorateurs. L’animosité était telle que l’on peut se demander ce qui se serait produit s’il était tombé entre leurs mains. Comment a-t-on pu en arriver là ?
Des Marseillais profondément déçus
Lors d’une dernière conférence de presse chargée d’émotion, en août 2014, Petit Vélo avait lâché quelques larmes. « Je m’étais promis de ne pas pleurer », avait-il déclaré d’une voix tremblante aux journalistes. Son choix de rejoindre la Russie avait surpris, alors qu’il venait d’intégrer l’écurie de Jean-Pierre Bernès, réputé pour disposer d’un gros réseau. Son exil n’a finalement duré qu’une saison. Échaudé par les sanctions qui ont touché le Dynamo Moscou, il a répondu favorablement aux avances faites par l’OL (on parle d’un salaire de 550 000 euros mensuel brut, Ndlr), l’un des clubs rivaux de l’OM en ce début de millénaire. En outre, il s’est fendu de déclarations maladroites et a conduit les dirigeants phocéens devant les tribunaux, où il espère récupérer les 568 000 euros qu’il a été obligé de verser à son ancien agent, Christophe Hutteau, avec qui il était en conflit.
Pour les fans phocéens, la déception liée aux choix du milieu de terrain est proportionnelle au degré d’amour qu’ils lui avaient porté. Le rôle de ses conseillers n’est certainement pas à minimiser dans tout cela.
La responsabilité d’Aulas et de la LFP
Depuis que l’OL a retrouvé le haut de tableau de Ligue 1, il ne se passe pour ainsi dire pas une semaine sans que JMA ne publie un Tweet rapportant son intérêt pour un joueur phocéen, ne mette la pression sur un arbitre, ou ne lance une polémique à propos de l’OM. À l’instar de ce qui se passe avec les Stéphanois, ses provocations ont assurément un impact sur l’ambiance délétère qui entoure les confrontations des Lyonnais avec les Marseillais. Il est regrettable que la LFP ne condamne pas davantage ses interventions, ce qui n’est d’ailleurs pas pour faire désenfler les rumeurs de relations obscures au sein des coulisses du football français.
Par ailleurs, Frédéric Thiriez a pris la parole, lundi, alors qu’il n’avait notamment pas jugé bon de le faire lorsque les fanatiques lensois ont provoqué l’interruption du match SM Caen-RC Lens, en février dernier. On imagine que la différence de traitement s’explique par la médiatisation du sujet et la pression des politiques, et cela n’est en définitive pas juste.
Une perte de maîtrise de soi inacceptable
Toutefois, bien que l’on puisse trouver beaucoup d’excuses, il est urgent qu’une réflexion soit menée par les responsables des fans « Marseillais ». D’une part parce que s’ils ne font pas l’effort de la faire eux-mêmes, d’autres s’en chargeront à leur place et cela pourrait signifier une dissolution des kops, comme cela a été le cas au Parc des Princes. D’autre part, rien ne peut justifier certains excès de haine, auxquels nous avons assisté, qui sont à l’exact opposé de l’intelligence dont nous avons besoin pour préserver la ferveur phocéenne. En outre, les années 90 sont révolues et l’opinion publique ne comprend et n’accepte plus ce déchaînement gratuit de violence. Les supporters qui considèrent qu’un déplacement à Groningue constitue l’occasion idoine de se venger d’un vieux coup de Trafalgar des fans néerlandais, en saccageant un café, n’ont par exemple rien à faire dans un stade.
Compte tenu de la proximité de l’Euro 2016, aucun écart ne sera de toute façon toléré par le gouvernement et les médias. Ces comportements sont d’autant plus dommageables qu’ils effacent, dans la tête de nombreux observateurs, toutes les années lors desquelles des progrès semblaient avoir été réalisés.
Quand le président phocéen qualifie le football de « jeux du cirque moderne », il n’est pas loin du compte. Le supporterisme semble aujourd’hui répondre à certains besoins antiques décrits par Gustave le Bon, dans son excellent ouvrage sur la psychologie des foules. Il est évidemment plus facile de donner des idées dans un article, que de les appliquer au sein d’un groupe de supporters. Encore plus alors que l’on ne se préoccupe ni de son rôle social, ni des spécificités liées à la ville de Marseille. Cependant, cela a le mérite d’ouvrir le débat et c’est bien le plus important. Il est impossible de savoir aujourd’hui si le Vél’ sera en mesure de se libérer de son côté obscur et de garder sa fabuleuse ambiance, mais Vincent Labrune était en fin de compte peut-être dans le vrai avec son projet Dortmund…