Il est des compétitions que tout amateur de football ne zapperait pour rien au monde, et la Coupe du Monde fait partie de ce cercle très fermé. C’est la raison pour laquelle il sera difficile de jeter la pierre à ceux qui seront devant leur poste de télé le 20 novembre pour assister à un Qatar-Equateur.
Maillots hommages, articles de presse sulfureux, appels au boycott, rien n’y fera, cette Coupe sera à coup sûr l’évènement le plus suivi du monde et les yeux de la planète entière seront tournés vers le golfe Persique, du moins le temps de quelques jours de compétition.
Pourtant, dans le sud de la France, un village peuplé d’irréductibles Marseillais résiste encore et toujours à l’envahisseur.
Pour ces Gaulois tenaces, un simple Angers-Marseille en plein décembre à Raymond Kopa suffirait amplement à contenter leurs coeurs. Mais non, ils auront droit, comme les autres, à leur dose de football et de chocs mortifères entre le Brésil, l’Argentine, l’Espagne, l’Allemagne ou autres Pays-Bas. L’enfer.
Alors, comment expliquer que notre clubisme nous pousse, chaque édition toujours plus, à nous détacher de notre équipe de France ?
Pourquoi notre amour pour l’OM est tel qu’une simple convocation de Jonathan Clauss aurait revêtu plus d’importance qu’une potentielle qualification des bleus pour les huitièmes ?
Pourquoi échangerions-nous un but du genou de Guendouzi contre l’Australie avec une qualification en quart de finale de nos bleus ?
Pourquoi éprouverions-nous davantage d’émotion à l’idée d’une transversale parfaite de Veretout contre la Tunisie à un troisième sacre mondial ?
Sommes-nous devenus fous ou simplement aimons-nous l’OM à tel point qu’il nous serait impossible de garder la moindre affection à la nation à laquelle notre club est rattaché.
Mais nous viendrait-il à l’idée de reprocher à un homme qui aime sa femme de ne pas en aimer une autre ?
Notre amour de l’OM serait alors mystique, impartageable ? Ce sera du moins notre version, lorsque, un lendemain d’élimination, il nous sera reproché d’être tout sourire.
Mais les raisons sont sans doute plus profondes. Nous, Marseillais, avons une culture football immense et n’oublions rien. Nous avons une rancoeur tenace envers Noël Le Graet. Un président si vif lorsqu’il s’est agi d’enfoncer l’OM en 93 après les soupçons du VA-OM et si mou lorsqu’il faut dénoncer des faits de harcèlements à la FFF, et encore davantage lorsqu’il est lui-même impliqué.
Nous Marseillais avons toujours rejeté et dénoncé l’hypercentralisation du football français sur la capitale. Chaque finale de coupe française se jouant toujours à Saint-Denis, comme si la Mecque du football était parisienne alors que chacun sait que c’est l’OM qui a écrit la plus belle page du football de son pays.
L’EDF a aujourd’hui oublié à qui elle doit sa grandeur. Deux de ses quatre ballons d’ors sont soit Marseillais de souche soit ont porté la tunique olympienne.
Cette équipe de France est même par moment plus petite que ses propres joueurs. Quand on sait que Mbappé peut à lui seul réviser les contrats sponsoring de la nation tout entière pour des questions d’éthiques alors que chacun sait que 90 % de ses revenus sont liés au Qatar. C’est à mourir de rire, ou de honte.
Comment aimer cette équipe qui elle-même ne se respecte plus ?
Rajoutons à cela une rancoeur auprès des instances qui nous ont tués en 93, humiliés en 94, fait les sourds en 99 (PSG-Bordeaux), et volés en 2015 sous Bielsa.
Alors oui, si le 18 décembre à 18h notre coq se voit remplumé d’une troisième étoile, nous aurions tous ce petit pincement au coeur. Mais chaque Marseillais l’échangerait volontiers pour une deuxième étoile sur le blason phocéen, et encore plus quand on sait que cette Coupe du monde est celle des Mondes, celle qui oppose le mondain et le peuple. Et à ce grand jeu-là, les Marseillais ont choisi leur camp depuis bien longtemps.