Foot Marseille : Vous rejoignez l’OM en 2002, qui vient de terminer l’exercice précédent à la 9ème place, après trois belles saisons sous les couleurs du LOSC. Malgré une dizaine d’autres propositions et l’intérêt tardif du club, vous n’hésitez pas longtemps.
Johnny Ecker : C’est exact. Je terminais un cycle de 3 ans avec Vahid Halilhodžić, un entraîneur très important dans ma vie et dans ma progression. Mais comme je lui avais dit, je ne travaillerai plus avec lui parce que c’est très difficile, notamment mentalement. Une bonne dizaine de clubs voulaient, en effet, que je les rejoigne donc j’avais pris le temps de réfléchir. J’étais indécis et puis l’OM est arrivé à deux jours de donner une réponse positive à un club. Mon manager me dit qu’Alain Perrin aimerait me récupérer puisqu’il avait déjà essayé de me faire venir quand il entraînait Troyes et que j’étais à Nîmes. À ce moment-là, j’étais en vacances et Perrin vient de signer deux jours plutôt à l’OM et je ne suis pas au courant. Pour moi, Marseille, c’était inaccessible. Le coach m’appelle, on discute, et dans ma tête, je me dis ‘mais il est où ?’. Je me sentais mal de lui demander et de ne pas savoir. Et là, il mentionne l’OM et j’en ai des frissons. Sans hésiter, c’est devenu ma destination n°1. Le challenge m’excitait, la ferveur m’excitait, c’était quelque chose d’inespéré pour moi.
FM : Certains joueurs hésitent parfois à signer à l’OM en raison d’une pression plus importante que dans d’autres clubs. Faut-il être prêt mentalement avant de débarquer à Marseille ?
JE : Personnellement, je suis parti là-bas en étant un soldat, pas en tant que star. Je pense que c’est plus difficile pour des joueurs reconnus, je l’ai vu quand j’y étais. Ces joueurs-là doivent être bons constamment. En étant défenseur, c’était aussi un peu différent, mais j’ai vu des garçons comme Steve Marlet, Peguy Luyindula ou encore Benoit Pedretti, des internationaux qui n’ont pas réussi parce qu’il y a une telle pression à l’OM quand ça ne va pas, qu’ils sont des cibles préférentielles. On remet, entre guillemets, la faute sur ces joueurs et on laisse tranquille les soldats, alors que j’avais tout autant de responsabilités qu’eux. Quand on signe à Marseille, on sait où on va et que quand ça ne va pas aller, on va te siffler. Il y a un contexte particulier et ce n’est pas évident pour tout le monde.
FM : Vous commencez d’ailleurs par une défaite face au FC Nantes sur terrain neutre à Gerland. On imagine que ce n’était pas les débuts dont vous rêviez.
JE : En effet, on est un peu apathique, on est à Lyon, loin de Marseille. Moi qui avais hâte de débuter au Vélodrome, c’est raté, on perd 2-0. Heureusement on parvient à s’imposer à Monaco le match suivant avant de retrouver notre stade face à Lyon justement. Une rencontre sur laquelle j’ai beaucoup de regrets parce qu’on avait fait un match exceptionnel dans une ambiance magnifique et sur une petite erreur de notre part on fait 1-1. Cet été-là, il y avait eu pas mal de remaniements au sein du club avec Christophe Bouchet président et Alain Perrin qui occupait la fonction de manager général, c’était une première en France à l’époque.
FM : Après un début de saison poussif (2N, 2D en 6 matchs), la machine se lance et vous êtes même leader au soir de la 28ème journée, dans un championnat très serré en haut. Racontez-nous cette fin de saison. Qu’est-ce qu’il vous a manqué pour aller chercher le titre ?
JE : Nous n’étions pas loin, je pense que le banc nous a manqué. Dans mes souvenirs, nous avions eu quelques blessés et cette année-là il y a une interdiction de recrutement et le club ne peut prendre que des joueurs libres, comme c’était le cas avec moi. Les joueurs étaient arrivés tard, ce n’est pas l’idéal. Après, ça n’excuse pas cette fin de championnat, je ne sais pas si c’était l’usure, la fatigue, mais en tout cas on a craqué avec de l’autre côté un Lyon qui était champion de France en titre et qui surfait sur la bonne vague. Un truc qui nous avait fait mal aussi, c’est d’avoir perdu la demi-finale de la Coupe de la Ligue à la maison face à Monaco. J’ai le souvenir que cette défaite nous avait atteint parce qu’on voulait vraiment aller au stade de France.
FM : Vous parvenez tout de même à décrocher la 3ème place, synonyme de tour préliminaire de Ligue des Champions. Comment aborde-t-on ce genre de rendez-vous qui arrive aussi tôt dans une saison ?
JE : La préparation n’est pas du tout la même parce ces matchs remplacent quasiment les matchs amicaux. C’est difficile de reprendre plus tôt parce que je crois que cette année-là, on a que 10 jours de vacances. Tu sais d’ores et déjà que tu ne seras pas au top physiquement parce que tu es en pleine préparation et que le match retour sera tout aussi compliqué parce que tu dois digérer cette préparation physique et mentale justement.
FM : Vous sortez vainqueur de la double confrontation face à l’Austria de Vienne et réalisez un premier match solide sur la pelouse du Real Madrid. Pourtant, vous expliquerez plus tard qu’Alain Perrin avait perdu son vestiaire ce jour-là.
JE : On joue contre les Galactiques avec Zidane, Beckham, Figo, Ronaldo, Raul, Casillas, Roberto Carlos et j’en passe, on sait très bien que ça va être compliqué. On ouvre quand même le score et on est mené 2-1 à la pause. On avait l’impression de faire un bon match et dans le vestiaire Alain Perrin lamine tout le monde. Est-ce que c’était sa manière à lui de nous pousser, de nous piquer ? Je ne sais pas, mais il y avait des mots terribles. Il nous prend individuellement, moi je suis sur Figo, Hemdani sur Zidane, ce sont des gars à qui on n’arrive pas à la cheville. On perd 4-2, mais on fait un super match. On avait vraiment été surpris par sa réaction et ses paroles. Il a perdu certains cadres à ce moment-là.
FM : L’OM finit 3ème de son groupe derrière le Real et Porto, futur vainqueur, et se retrouve reversé en C3. Alors que vous êtes 6ème de Ligue 1, quel est l’objectif à ce moment-là ?
JE : Tous les coachs jouent souvent petit bras en début de saison, mais entre les joueurs, l’objectif, c’est de gagner le championnat, la Coupe de France, la Coupe de la Ligue et presque être champion d’Europe. C’est peut-être prétentieux, mais on s’entraîne pour ça.
FM : On a souvent ces débats en France sur ces parcours en Coupe d’Europe. Certains estiment qu’on y laisse des plumes alors qu’on a le sentiment que cela peut justement construire un groupe et créer une dynamique.
JE : Oui et non. Ça puise de l’énergie physiquement, mentalement, psychologiquement. En France, je trouve que les équipes manquent de banc. Dans les autres championnats, ils ont deux équipes, et particulièrement les Anglais. C’était notre cas à l’époque. Je pense donc que c’est inévitable de craquer physiquement à un moment donné. Lorsque tu joues tous les trois jours, tu ne t’entraînes pas, tu ne fais que de la récupération et tu as de la casse. Et puis, tu ne joues pas toujours chez toi. En déplacement, tu prends l’avion tu as une attente de 2 ou 3h, puis l’hôtel. Les gens ne le comprennent pas parce qu’ils disent qu’on se plaint alors qu’on fait un métier exceptionnel. On ne se plaint pas, on dit juste que c’est très difficile physiquement. En tant que joueur, ça ne te dérange pas, tu veux jouer tous les trois jours. Lorsque j’étais à Lille, la méthode de Vahid Halilhodžić était très physique et on bossait énormément, c’est pour cela que l’on a tenu toute la saison avec la Coupe d’Europe. À Marseille, c’était différent.