C’est un lieu commun, mais entraîner, ce n’est pas simplement penser à apporter les chasubles et les plots à l’entraînement. Il ne suffit pas non plus d’être un fin tacticien ou un grand théoricien du jeu. Non, entraîner une équipe de foot, c’est aussi, peut-être surtout, gérer un groupe d’hommes.
C’est sans doute ce qui a coûté son poste à Alain Perrin. Malgré d’incessants démentis officiels, la vérité a fini par éclater : la cassure, profonde, entre l’ex-troyen et les joueurs avait fini par scléroser le groupe. A peine Perrin débarqué, des langues – dont celles que l’on croyait les plus fidèles – se sont déliées : son remplacement fut pour eux un soulagement.
Le successeur de Perrin devrait donc briller là où il avait péché : la gestion humaine de nos grands garçons. C’est ce qui orienta Christophe Bouchet vers le choix de José Anigo. Ce dernier était apprécié pour ses qualités humaines, non seulement au sein de l’équipe de CFA, mais aussi auprès des quelques joueurs l’ayant fréquenté lors de son cours intérim sous le règne de Tapie II le petit.
Contrairement à son prédécesseur, on le dit proche de ses joueurs, susceptible de leur redonner la confiance et le goût du terrain. On attend de lui qu’il soit un véritable homme de vestiaires, capable de galvaniser l’équipe lors des grands rendez-vous. Contrairement à son prédécesseur.
Ce n’est donc pas tant un nouvel entraîneur qu’un nouveau DRH que Bouchet a installé à la tête du club. Alors, entre le sympathique responsable du comité d’entreprise, et le cost-killer Perrin, quels changements note-t-on dans la gestion des ressources humaines de l’entreprise OM ?
Le premier changement est sans doute le plus visible : le relâchement de la hiérarchie. Plus de monsieur Perrin, plus de monsieur l’entraîneur qui tiennent ; cédant à la mode des multinationales anglo-saxonnes, on la joue copain-copain. Appelez-moi José ! tel est le mot d’ordre. Quand aux cadres, ils doivent renoncer à leur traditionnelle prédominance interne : l’histoire ne dit pas si le sous-dir’ Durand apprécie les Jean-Phi’, apporte-moi des moulés !du coursier Barry. Alors, bobo, le José ? Peut-être pas. Espérons que le tutoiement n’empêche pas de hausser le ton.
L’autre changement majeur consiste au recours à la carotte, là où l’ancien manager avait tendance à abuser du bâton. Un personnel choyé est un personnel plus efficace, pense-t-on. En effet, l’époque n’est plus au forçat qui prend sur soi et exécute les ordres sans broncher. Non, le salarié moderne est semble-t-il très fleur bleue. Il a besoin d’être aimé, encouragé. Oui, joli centre, Séb’ ! ; C’est rien, Vedran, le ballon était glissant! doit-on entendre du côté de la Commanderie. On me dira que ça ne peut pas être moins constructif que les railleries du grand blond, et ce n’est sans doute pas faux. Mais un personnel trop détendu n’a-t-il pas tendance à confondre le bureau avec la salle de repos ? Espérons qu’Anigo n’ait pas oublié de récupérer le bâton dans le casier de son prédécesseur.
Nous sommes donc passés du tout au tout lors de ces dernières semaines. Les anciennes méthodes avaient semble-t-il vécu ; inadaptées, elles devaient être changées. Mais, à accorder trop d’attention aux revendications des syndicalistes du rectangle vert, ne risque-t-on pas de leur céder un pouvoir excessif ? A priori, non. Après les contre-performances récentes, le nouveau DRH a su remonter quelques bretelles. Mais si les résultats tardaient à venir, et qu’Anigo devait se montrer plus strict, quelle serait la réaction dans les vestiaires ? Une nouvelle grève officieuse ne pousserait-elle pas notre homme vers la porte de sortie ? On touche là à un autre problème : le rééquilibrage du rapport de forces entraîneur/joueurs en faveur de ces derniers. En effet, au vu des événements récents, on risque d’attendre longtemps un nouveau Guy Roux.