Atletico-OM : l’amnésie madrilène

Déterminée à obtenir les Jeux Olympiques 2016, la ville de Madrid a organisé hier une grande réunion, en présence de la direction de l’Atletico de Madrid, afin de délivrer un message contre le racisme et la xénophobie. Si dans l’absolu une telle initiative est hautement louable, les propos tenus par Enrique Cerezo à cette occasion […]

Déterminée à obtenir les Jeux Olympiques 2016, la ville de Madrid a organisé hier une grande réunion, en présence de la direction de l’Atletico de Madrid, afin de délivrer un message contre le racisme et la xénophobie. Si dans l’absolu une telle initiative est hautement louable, les propos tenus par Enrique Cerezo à cette occasion méritent une attention toute particulière étant donné le contexte…

Cerezo a oublié…
Le président de l’Atletico Madrid a effectivement pris la parole devant le comité olympique et les pontes madrilènes. Si l’ensemble de son message fut basé sur un thème qui nous est très cher, à savoir la tolérance, son amnésie au sujet des évènements constatés à l’occasion de la rencontre Atletico-OM est pitoyable. La banderole en hommage au leader d’extrême droite autrichien Jörg Haider, déployée lors du match suivant contre le Real de Madrid est également oubliée. Extrait de son allocution, rapportée par le site footespagnol.fr : « lors des dernières semaines, l’Atletico Madrid a été impliqué dans une affaire dans laquelle il n’a rien fait. Ce qu’ont d’ailleurs confirmé postérieurement les délégués de l’UEFA. Ici à Madrid, il n’y a jamais eu de cris xénophobes ou racistes et nous n’avons rien à voir avec tout ce qui nous est reproché. Le public du Vicente Calderon a été exemplaire, comme toujours. » S’il est inadmissible de constater que le président d’un des clubs les plus populaires d’Espagne profère de tels mensonges, un petit rappel des faits ne fera pas de mal à tous ceux qui, suivant l’actualité phocéenne d’un peu plus loin, pourraient se laisser tenter de les croire.

Le match de la honte
1er octobre 2008 : l’Atletico Madrid accueille l’Olympique de Marseille dans un stade plein où 1 200 Marseillais ont pris place. Avant la rencontre, la police madrilène, déjà très heureuse d’humilier ces derniers lors de la vérification de leurs papiers, charge gratuitement le groupe de supporters des Ultras pour retirer une banderole qui ne sert que de prétexte. Elle frappe à cette occasion tout ce qui passe à sa portée, sans distinction de sexe ou d’âge, mais semble être plus acharnée dès lors qu’un homme plus bronzé est à sa portée. La Guardía Civil bouscule au même moment les deux policiers français présents en tribunes et le chef de la sécurité phocéenne, puis quitte la tribune, devant la riposte bien compréhensible de Phocéens passablement énervés. Pape Diouf, arrivé afin d’apaiser les esprits, manque de peu d’être agressé comme le reste de la tribune. Une partie du public espagnol n’est pas en reste et adresse des cris de singe à tous les joueurs de couleurs olympiens. Par ailleurs, un supporter de l’OM est agressé hors du stade tandis que Thierry Trésor, journaliste sur LCM, est également malmené en tribune de presse. Enfin, le groupe de supporters handicapés olympien, placé au bord de la pelouse en raison du manque de places dans le stade, est pris à parti et reçoit des cannettes et des projectiles de toutes sortes sur la figure. Prévenu avant la rencontre qu’il paierait en cas d’incidents, Santos Mirasierra, ayant le tort d’avoir voulu calmer les choses et d’être franco-espagnol, est arrêté en fin de match au moment où la police vient de nouveau frapper les supporters déjà massés dans les autobus. Violenté pendant trois jours, il est ensuite enfermé dans les geôles d’une prison de la capitale espagnole.

La mauvaise foi madrilène
14 octobre 2008 : l’UEFA suspend le stade Vicente Calderon deux matchs fermes pour les faits retranscrits dans le paragraphe précédent. Le gouvernement espagnol et la majorité de la presse madrilène se positionnent avec mauvaise foi aux côtés de l’Atletico, fustigeant l’instance européenne et accusant Michel Platini d’être à la tête d’un complot ayant pour cible le pays ibérique. Dès lors, les médias espagnols entament une forme de propagande anti-française et publient des informations mensongères afin de laver le club d’Enrique Cerezo : selon eux, les supporters marseillais sont des radicaux nazis et ce sont eux qui ont attaqué les policiers, les handicapés phocéens sont des imposteurs et le cours des évènements se trouve curieusement modifié dans les vidéos de surveillance qu’ils passent et repassent dans les journaux télévisés nationaux. L’OM et ses supporters sont devenus les agresseurs et Marseille est maintenant considéré comme étant une ville sans loi aux yeux de l’opinion publique espagnole. Devant le tintamarre, L’UEFA choisit de modifier sa sanction en réponse à l’appel du club madrilène et opte pour un unique match à huis clos. Toujours mécontent et déterminé à démontrer que ses supporters sont les victimes, l’Atletico Madrid saisit le Tribunal Arbitral du Sport. Enfin, Santos endosse assez clairement le rôle d’otage, comme le sous-entend le comportement partial des policiers et du juge chargé de statuer sur son sort : le réquisitoire prononcé à son encontre est d’ailleurs d’une imbécilité sans commune mesure, à savoir 8 ans de prison ferme.

L’absence de réaction du gouvernement français
Alors que les supporters de l’OM se mobilisent afin de faire libérer le souffre-douleur Santi, l’affaire est enfin médiatisée, plus ou moins maladroitement, dans l’Hexagone. Si Bruno Delaye, Ambassadeur de la France à Madrid, demande de laisser travailler la justice espagnole en paix, on ne peut malheureusement pas lui donner raison. Cette dernière a effectivement fait preuve d’un entêtement incroyable en gardant Santos en préventive depuis la fameuse rencontre et le travail dans l’ombre du gouvernement français n’a pas le rendement escompté. Le match retour se profilant à l’horizon, il est évidemment à craindre de terribles représailles : en ne prenant pas de position officielle, le gouvernement français a opté pour une attitude bien maladroite. Médias et politiques espagnols, semblant prendre un malin plaisir à provoquer les Marseillais, cherchent évidemment à faire dégénérer la situation en prévision de la rencontre au Stade Vélodrome. Alors que l’affaire prend des proportions alarmantes et que des mensonges sont quotidiennement proférés contre eux, il s’agit évidemment de tout faire pour ne pas donner l’impression (fausse) aux supporters phocéens selon laquelle ils devraient se faire justice eux-mêmes. Ce d’autant qu’il ne serait pas aisé d’appeler au calme les 10 millions de sympathisants que compte le club en France. Afin d’enrayer la montée de colère, les autorités françaises doivent absolument condamner le comportement inadmissible adopté depuis plusieurs semaine dans la capitale espagnole.

Deux mois après les faits, l’ignoble feuilleton se poursuit. Enrique Cerezo ayant prouvé à tous sa terrible malhonnêteté, espérons que la présidence et les ministères français prennent enfin conscience de la gravité de la situation : il est urgent de condamner le manège auquel se livrent les autorités madrilènes et d’exiger la libération de Santos Mirasierra, otage quasi-officiel.