Bielsa : la révolution argentine de l’OM

Vincent Labrune a lancé sa propre révolution en plaçant le sud-Américain à la tête du secteur sportif olympien. Les joueurs peuvent s’attendre à de gros changements.

Le vendredi 2 mai 2014, Vincent Labrune a annoncé avoir trouvé un accord total avec l’Argentin Marcelo Bielsa. Ce dernier prendra donc la succession de José Anigo, non sans avoir au préalable mené un sérieux audit de l’institution phocéenne. Ces dernières semaines, le futur entraîneur de l’OM a éclipsé toutes les autres actualités du club de la une des gazettes sportives. A tel point que personne ne parle plus du bilan catastrophique de cette triste saison ou de la révolte des supporters. L’attente liée à l’arrivée du natif de Rosario est énorme. Que résultera-t-il de sa prise de fonction ?

Un fou chez les fadas

Si l’on a beaucoup de respect pour le maître tacticien qu’est Marcelo Bielsa, son palmarès n’est pas des plus impressionnants : une médaille d’or aux Jeux Olympiques avec les espoirs argentins, quelques championnats avec les Newell’s Old Boys et Velez Sarsfield et pas mal de places d’honneur. En outre, avec l’Athletic Bilbao de 2011 à 2013, son taux de victoire n’a été que de 32% en championnat. Il faut dire qu’il partait de très loin avec Los Leones et on espère mieux à l’OM. Mais El Loco est davantage réputé pour sa capacité à tirer le meilleur de ses troupes et leur faire jouer un football de rêve. Durant ces deux saisons, le jeu pratiqué par l’équipe basque a été une référence dans toute l’Europe. Et ce n’est pas pour rien que Marcelo Bielsa, qui est considéré comme un précurseur tactique, a inspiré des entraîneurs comme Tata Martino ou Pep Guardiola. A ses débuts aux Newell’s, le premier n’avait pas tari de louanges sur son mentor : « Bielsa, c’est de la minutie, de la passion, du travail et une honnêteté intellectuelle à toute épreuve. J’aime penser que je suis l’un de ses élèves. Pour l’instant, j’ai la même coupe de cheveux que lui, mais j’aspire à lui ressembler autrement que physiquement. » Le second l’a quant à lui simplement qualifié de « meilleur entraîneur de la planète ». Marcelo Bielsa donne tout pour son métier et si on ne le prenait pas pour un cinglé, il aurait certainement signé au Barça l’année passée ou l’une des précédentes. Il pose donc ses valises à Marseille, une ville qui devrait lui rendre sa passion, son investissement et sa folie.

« Remettre les Marseillais au travail »

Vincent Labrune évoque maintenant à court terme une « révolution culturelle couplée avec une révolution structurelle ». D’après-lui, la première mission du technicien sud-américain consistera à « remettre les Marseillais au travail ». Comme ont pu s’apercevoir Carlo Ancelotti au Paris-SG ou Claudio Ranieri à l’AS Monaco, l’un des gros défis pour faire progresser un club hexagonal est de changer les mentalités. Réputée pour sa discipline et son perfectionnisme, la méthode de l’Argentin devrait faire l’effet d’une claque à certains membres de l’effectif marseillais qui se croient au Club Med. Et s’il a maté de rudes caractères comme celui du portier paraguayen José Luis Chilavert, on imagine mal les jeunes rebelles de la Commanderie l’impressionner. L’époque des chichas d’après-entraînement et des sorties hebdomadaires en discothèque est, on l’espère, révolue. On garde le conditionnel car quelques jurisprudences incitent à la vigilance. Le mal du football français, où les carrières à la Stéphane Dalmat se multiplient, est tellement profond que certains ont échoué dans cette tâche. Fabrizio Ravanelli ou Francesco Guidolin ont notamment sous-estimé cette fainéantise. La réticence à s’entraîner et ce manque de passion expliquent en tout cas assurément le palmarès famélique des clubs de Ligue 1 en coupes d’Europe. De surcroît, on espère que Marcelo saura activer son réseau afin de favoriser le recrutement de quelques tauliers, et plus particulièrement de plusieurs hargneux capable de rehausser le niveau de testostérone de l’équipe marseillaise.

Créer « une machine de guerre collective »

L’idée de Vincent Labrune est désormais de créer « une machine de guerre collective ». S’il ne cite pas l’Atletico Madrid, on pourrait penser que le boss olympien fait fortement allusion aux exploits des hommes de Diego Simeone. Sans véritable star, les Colchoneros ont su faire jeu égal avec le Real Madrid et Barcelone depuis août dernier. On imagine qu’il garde également en tête les parcours du Borussia Dortmund ou de Naples, lesquels ont su progresser très rapidement ces dernières saisons. Pour parvenir à construire ce groupe soudé, Marcelo Bielsa devra avant tout venir à bout des tensions qui empoisonnent le vestiaire marseillais. Il devra aussi seller le sort de certains cadres qui ne se sont pas montré à la hauteur en 2013-2014. Malgré tout ce qu’il a pu apporter au club depuis 2006, Mathieu Valbuena n’est notamment pas exempt de tout reproche. Petit Vélo a enchaîné les énormes performances en équipe de France mais a été insipide sous les couleurs de l’OM. Il ne serait pas particulièrement apprécié du tacticien argentin, qui a visionné tous les matchs, et ses relations conflictuelles avec Florian Thauvin ou Dimitri Payet ne devraient rien arranger. Par ailleurs, en plus de son manque de grinta et de passion, la formation phocéenne affiche un gros déficit de technique. Il sera intéressant de voir comment Marcelo Bielsa saura s’adapter aux joueurs plutôt bourrins qui l’attendent du côté de Marseille, lui qui mise habituellement sur de fins techniciens. Au grand plaisir des supporters, il y a fort à parier qu’il choisira de placer l’équipe sous perfusion sud-américaine.

La révolution latino-américaine devrait provoquer de sérieux changements du côté de la Commanderie dans les prochaines semaines. Il reste à voir le traitement que lui réservent quelques journalistes ou supporters. Car si certains pensaient que Joey Barton allait concurrencer Zlatan Ibrahimovic pour le titre de meilleur joueur du championnat lors de son arrivée il y a deux ans, certains autres imaginent peut-être aujourd’hui que celle de Marcelo Bielsa suffira aux Marseillais pour rivaliser avec les Parisiens ou les Monégasques. Qu’on ne s’y trompe pas. Le passage de l’Argentin à l’OM s’apparente à une nouvelle phase de transition. Mais on peut être d’autant plus optimistes qu’il devrait permettre au club de se professionnaliser et de progresser dans tous les secteurs. Une fois n’est pas coutume, il faudra absolument faire preuve de patience pour voir les résultats de son travail.