Nouvelle défaite, énième défaite : l’effet Barthez n’a pas suffit, les bonnes résolutions de début d’année non plus. Le bateau tangue, mais toujours pas de mutinerie à bord : le capitaine Perrin reste à la barre, contre vents et marées.
Mais qu’en pense l’amiral Bouchet ? Cela fait un an et demi que les deux hommes mènent la barque OM ensemble. La tâche n’était pas facile : sauver du naufrage un radeau à la dérive, remettre le cap vers la victoire.
Ce fut un succès : chacun dans leur domaine propre, nos deux hommes ont mis un terme aux excès des corsaires les ayant précédé. Succès donc, mais succès collectif : dans l’esprit de tout un chacun, les victoires de l’un étaient inséparables des réussites de l’autre. On pouvait ainsi parler, au-delà des hiérarchies formelles, d’une situation d’égalité entre les deux hommes, rendue possible par une stricte démarcation de leurs prérogatives.
Or, comme chacun le sait, la situation a évolué : depuis quelques mois, l’embarcation olympienne est prise dans une violente tempête. Inutile de revenir sur ce point ; nous n’en sommes que trop conscients. Arrêtons-nous plutôt sur les effets de la crise sur les relations entre les deux têtes de l’OM. Il faut bien admettre que celles-ci ne sont plus les mêmes désormais, et plusieurs questions se posent à nous. En supposant que le duo reste aux commandes, les remous actuels vont-ils amener une rupture de la stricte répartition des tâches ? Le principe d’égalité, en conséquence, sera-t-il remis en cause ?
Vers une ingérence de Bouchet dans le domaine sportif ?
Tant que le vaisseau voguait à pleines voiles, il était facile de respecter la feuille de route. Mais depuis que le raffiot menace de couler, difficile de s’y tenir… Autrement dit, à force d’avoir le mal de mer, Bouchet ne va-t-il pas être tenté de s’impliquer dans le domaine sportif ?
Quelques éléments semblent indiquer une évolution dans ce sens. Devant les caméras de canal +, ce dernier n’a pas hésité à émettre le souhait de voir un milieu créateur débarquer sur le Vieux Port. Plus explicite encore, on l’a récemment entendu critiquer l’attitude de certains joueurs – Van Buyten, très probablement – qui ne donneraient pas le maximum sur le terrain… Ajoutons également les commentaires sur le niveau de jeu d’un Vachousek jugé » décevant « , et les réserves émises sur la qualité du recrutement, qui ne fut pas » le meilleur du monde « … Autant d’interventions pour le moins surprenantes, de la part d’une personne qui avait pourtant érigé en dogme la non-ingérence des dirigeants dans le secteur sportif!
Toutefois, Bouchet n’est pas Tapie, et Perrin ne sera jamais Ivic… Les initiatives de Bouchet n’ont pour l’instant eu qu’un impact insignifiant sur la politique de son acolyte. Les joueurs incriminés implicitement par Bouchet ne sont pas forcément ceux que Perrin a mis à l’écart, et celui-ci ne semble pas obsédé – du moins en apparence – par le recrutement de ce fameux milieu créateur. Et surtout, Bouchet est revenu en partie sur ses déclarations à ce sujet. Donc, même si ce dernier sort quelque peu de sa réserve, Perrin reste bel et bien le seul maître à bord. Sur le rectangle vert, tout du moins…
Un rapport de force modifié ?
Car en-dehors du terrain, Bouchet tient la barre avec fermeté. Malgré quelques erreurs de communication, son travail est presque unanimement apprécié, qu’il s’agisse de la gestion financière du club, ou de la défense des intérêts de l’OM. Dans ces conditions, la hiérarchie restera-t-elle inchangée au sommet du club ? Ou, pour être plus explicite, Perrin aura-t-il les épaules assez larges pour ne pas être dominé par le plus proche de ses collaborateurs ? Difficile à dire.
D’un côté, quand les résultats ne suivent pas, quand la communication avec l’équipage tourne au dialogue de sourds, il est délicat de garder assez de crédibilité pour imposer ses choix. Perrin aura sans doute besoin, sauf retournement de situation spectaculaire, d’un appui extérieur pour conserver l’autorité nécessaire à l’exercice de ses fonctions. Et qui d’autre que Bouchet pourrait remplir ce rôle ? Un appui qui pourrait sauver Perrin, mais aussi, ce serait le revers de la médaille, le placer sous la tutelle du président…
D’un autre côté cependant, le tempérament de Perrin rend très hypothétique une telle évolution. L’homme n’est pas connu pour se laisser marcher sur les pieds, bien au contraire. Trop de fierté, de dignité et de sens de l’honneur chez ce fils de militaire pour accepter une situation de ce genre. Alors, si Perrin ne parvenait pas à remettre l’embarcation à flot, que ferait Bouchet ? Le couple survivrait-il à la tempête ?
Conclusion : Un divorce est-il envisageable ?
Bouchet ne pourra évidemment pas laisser le bateau dériver éternellement. Mais en jetant Perrin par-dessus bord, ne risquerait-il pas de saborder son propre navire ?
En effet, le parcours des deux moussaillons est si étroitement lié que l’on peine à imaginer l’un sans l’autre. La formule du duo, reprise notamment sur les rives de la Seine, est souvent perçue comme féconde. Bouchet en a fait un principe directeur de sa gestion du club, et il ne lui serait peut-être pas facile de trouver un nouvel homologue correspondant au profil recherché. Un remplacement pur et simple de Perrin pourrait sérieusement menacer l’équilibre du club, difficilement acquis après de nombreuses années de galère…
Toutefois, si l’on remonte le cours du Rhône, on s’aperçoit que d’autres formules peuvent également avoir une certaine efficacité. A Lyon, ce n’est pas un duo, mais un trio, qui a fait ses preuves, avec Aulas dans un rôle d’amiralissime, Lacombe en vieux loup de mer, et Le Guen en marin d’eau douce. On pourrait ainsi envisager de voir Perrin prendre un peu de recul, et laisser à un subalterne la charge d’entraîneur à proprement parler. Cette configuration a ses avantages : elle pourrait contribuer à l’amélioration des relations entre l’équipage et l’état-major, voire susciter un sursaut collectif. Mais elle a aussi ses inconvénients : le second de Perrin ne pourrait être qu’une personnalité falote, alors que c’est notamment au niveau de l’état d’esprit que le bât blesse…
Des solutions hypothétiques, donc, et qui ont leurs limites… A moins que Perrin ne largue les amarres ?