Les événements merveilleux qui se déroulaient dans les contes de fée de notre enfance étaient la plupart du temps liés à la présence d’un instrument fabuleux : une baguette magique qui avait le pouvoir de faire apparaître et disparaître à volonté à peu près tout et n’importe quoi. A la Commanderie depuis quelques mois, dans le département Comptabilité/Gestion, vu le rythme auquel les caisses se sont vidées, il doit se trouver un esprit malin qui a récupéré une baguette magique amputée de moitié (il ne reste que la mauvaise moitié, celle qui fait disparaître) : alors l’argent s’est volatilisé, l’OM est fauché comme les blés, l’OM est sans le sou, c’est ce que la Direction du club ne cesse de psalmodier aux oreilles des supporters exaspérés qui attendaient du mercato autre chose que les recrutements de Bonnissel, Maoulida ou Pagis. Tenter de comprendre le pourquoi d’une telle situation n’a rien d’une sinécure : il règne autour des comptes de l’OM une telle opacité qu’il est bien difficile d’obtenir des informations sérieuses et fiables. En croisant les recherches il est néanmoins possible de rassembler, au moins en partie, les éléments de ce puzzle qui s’apparente largement à un casse-tête chinois.
A la fin de la saison 2001-2002, RLD confie les clés de la maison OM à Christophe Bouchet. Celui-ci se donne pour mission prioritaire d’assainir les comptes : il trouve un club qui a accumulé 74 M &euro de pertes au cours des trois saisons écoulées. La seule saison 2001-02 (45 M &euro de recettes, 71 M &euro de dépenses), en raison notamment des décisions d’achats et de prêts de joueurs tous azimuts signées Bernard Tapie, génère quelque 25 M &euro de pertes. Après avoir obtenu de justesse l’aval de la DNCG, Bouchet et son équipe mènent une politique de rigueur budgétaire (avec en particulier une masse salariale limitée à 45 % du budget ) qui n’est pas sans résultats : en fin de saison 2002-03, l’OM passe cette fois-ci sans difficultés le redoutable examen de la DNCG et produit des comptes légèrement bénéficiaires : 48,3 M &euro de recettes, 47,7 M &euro de dépenses (source : L’Expansion).
Par ailleurs, Bouchet obtient des résultats significatifs dans sa lutte pour une répartition plus juste des droits TV et finalise des contrats sponsoring dont l’OM n’a pas à se plaindre (Neuf Telecom).
Survient, à l’été 2004, l’affaire du transfert de Didier Drogba, imputable en dernier ressort, selon Bouchet, à RLD : » Nous savions que la saison 2003-2004 serait bénéficiaire. Mais l’année 2004-2005 s’annonçait mal … l’équipe engendrait un déficit prévisible de 13 millions d’euros. Nous nous sentions néanmoins capable de résister à une offre pour Drogba, ce que nous avons fait pour la Juventus ( 18 millions d’euros). Vendre un joueur comme Didier pour cette somme aurait été une hérésie… Seulement, dès que l’offre de Chelsea est arrivée ( suite à l’entrevue Kenyon-RLD ), nous nous savions pris au piège. …Seul Robert pouvait nous inciter à le retenir. Garder Drogba était une décision d ‘actionnaires et ce n’est pas moi avec mes maigres 10 % qui pouvait décider. RLD ne l’a pas souhaité ainsi. » (interview donnée par Bouchet au Journal du Dimanche, janvier 2005). L’avant-centre ivoirien chouchou du Vélodrome quittant l’OM, c’est une somme rondelette (encore aujourd’hui insuffisamment précisée : 38 M &euro ? 37 ? 33 ?) qui entre dans les caisses du club. Revers de la médaille : sur le marché des transferts, l’OM est attendu comme au coin d’un bois par les clubs vendeurs, les prix grimpent, la masse salariale s’envole littéralement : en 2004-05, elle s’élève à 79% du budget du club.
D’où l’urgence absolue, pour la Direction de l’OM, lors de l’été 2005, de tailler dans l’effectif pour dégraisser et ramener la masse salariale à des proportions plus raisonnables. Chose faite, certes, mais à quel prix ! Contrats de joueurs indésirables rachetés avec indemnité coquette à la clé (modèle Christanval), joueurs transférés à perte (modèle Costa), joueurs bradés (modèle Battles), joueurs prêtés à des conditions surtout avantageuses pour l’emprunteur (modèle Luyindula) etc. En termes stricts de gestion et de comptabilité, les opérations transferts des mercatos 2004 et 2005 sont un désastre qui a coûté au club des sommes colossales. Et cette étrange manie continue de sévir: si l’on peut comprendre pourquoi la Direction du club est contrainte de renoncer à des joueurs comme Maxi Lopez, Cissé, Vieri et autres Di Vaio qui préfèrent poursuivre leur carrière dans des clubs plus lucratifs que l’OM, on peut en revanche s’interroger sur le mode de management qui conduit, à côté de décisions heureuses et de transferts bien menés (Ribery, Taiwo, Oruma, Cana), à recruter ou se faire prêter (salaire à la charge de l’OM, bien sûr) des joueurs (Mendoza, Gimenez, Maoulida) qui n’ont visiblement pas le profil recherché pour réussir à l’OM, ou à revendre dans de mauvaises conditions (Koke). Ces dernières années, outre Drogba évidemment, combien de reventes de joueurs ont permis à l’OM d’encaisser une plus-value, même minime? A part Sytchev, sauf erreur, aucune….
Pour autant, outre le dégraissage effectué qui permet de sérieuses économies sur la masse salariale, l’OM n’est pas sans ressources : recettes des produits marketing (à peu près 2 M &euro en 2003, combien aujourd’hui ?), recettes de billetterie (13 M &euro en 2003, sans doute un peu plus aujourd’hui), recettes des droits TV (la manne Canal +), recettes des contrats sponsoring (nouveau contrat signé en novembre 2005 avec VK, téléphonie mobile nord-coréenne, qui s’ajoute à ceux existants). On se gardera d’affirmer que l’OM roule sur l’or, mais enfin des signes forts existent qu’il n’est pas menacé de dépôt de bilan…Alors, ces rentrées d’argent, quelle est leur part dans le budget du club, et à quoi sont-elles affectées?
L’écrivain Georges Pérec, dans son roman La Disparition, réussissait l’incroyable tour de force littéraire et linguistique de produire 300 pages sans jamais utiliser la cinquième lettre de l’alphabet : il faisait littéralement disparaître de son oeuvre la lettre e. A l’OM se trouvent actuellement quelques « responsables » capables de réaliser un exploit tout aussi prodigieux : entre l’argent dilapidé dans de catastrophiques opérations de gestion (transferts) et une traçabilité plus que problématique de l’argent des recettes, ils font disparaître les &euro. Une chose est certaine : ils ne se verront jamais attribuer ni le prix Nobel de Littérature, ni celui d’Economie.