Enzo Francescoli Uriarte est né le 12 novembre 1961 à Montevideo. Maniant la balle dès son plus jeune âge sur les terrains vagues de Pocitos, il est repéré à 12 ans par les dirigeants du club de sa ville natale. Il est ainsi formé au Montevideo Wanderers, et se fait rapidement surnommer El Principe. Il intègre la Céleste alors qu’il n’est encore que Junior. Il passe trois ans aux Wanderers avant de rejoindre en 1983 l’Argentine et River Plate, qui deviendra le club de son coeur et le théâtre de ses plus beaux exploits. En 1984, il est élu Meilleur Espoir Sud Américain de l’année – il incarne en effet le renouveau du football Uruguayen, avec Pablo Bengoechea ou Ruben Sosa, qui remportera deux Copa América, en 1983, à domicile, puis en 1987 contre le Chili. En 1985 et 1986, il termine meilleur buteur du championnat argentin, marquant 68 buts en trois saisons, et il est élu meilleur joueur du championnat en 1986. Il participe ainsi amplement au renouveau de River, même s’il quitte le club juste avant le premier sacre en Copa Libertadores et en Coupe Intercontinentale. Après avoir participé avec l’Uruguay à la coupe du Monde au Mexique en 1986 (il marque sur pénalty le seul but qu’il inscrira en Coupe du Monde, et la Céleste est éliminée dès les phases de poule), il tente alors l’aventure européenne, et plus particulièrement française, en signant au Racing Club de Paris remonté de D2. Il complète l’effectif de stars monté par Lagardère, rejoignant Pierre Littbarski, Thierry Tusseau, Pascal Olmeta, et surtout Luis Fernandez, débauché du Paris Saint-Germain. Les années parisiennes sont décevantes – et Enzo à l’image de son club, ne parvient pas véritablement à s’imposer, marquant cependant 32 buts en 3 saisons. Bernard Tapie le recrute à l’été 1989 – et il participe à la conquête du deuxième des cinq titres de l’ère Tapie, en étant le deuxième meilleur buteur du club avec 11 réalisations, derrière Papin, auteur cette saison-là de son meilleur total, 30 buts. Éclipsé quelque peu par Waddle, qui réussit à s’imposer après des débuts délicats, Tapie le pousse à la sortie et le remplace par Abedi Pelé. Le Prince émigre alors en Italie, après le parcours mitigé de la Céleste à la Coupe du Monde organisée en terre transalpine (éliminé en Huitième de finale par l’Italie). Il signe au Cagliari Calcio d’abord, de 1990 à 1993, puis au Torino FC lors de la saison 1993-1994. A Cagliari, il rejoint ses compatriotes Pepe Herrrera et Daniel Fonseca – mais on le fait jouer milieu de terrain relayeur, et son influence sur le jeu est moins importante. Il marque moins (17 buts en 97 matchs), même s’il resta durant ces années l’un des joueurs préférés des tifosis, et demeure encore aujourd’hui dans l’esprit de beaucoup, l’un des plus grands joueurs de l’histoire de Cagliari (son but contre la Sampdoria lors de la première journée de championnat en 1991 reste encore dans les mémoires). Sa saison au Torino est anecdotique – il ne joue que 24 matchs, pour seulement 3 buts. Il est temps pour lui désormais de revenir à son pays d’adoption : il signe à River Plate en 1994. Il a alors 33 ans et il y restera 4 saisons au cours desquels il marquera 47 buts. Il sera champion d’Argentine en 1994, 1995, 1996 et 1997, remportera la Copa Libertadores en 1996. Il terminera meilleur buteur du championnat en 1994 et 1996, sera élu meilleur joueur sud américain de l’année 1995, et meilleur joueur du championnat d’Argentine en 1996. Il gagne avec la Céleste une nouvelle Copa America en 1995 – et met un terme à sa carrière en 1997. Il aura marqué 198 buts, comptant 74 sélections et 20 réalisations avec le maillot de l’équipe nationale d’Uruguay, ce qui fait de lui le joueur de champ le plus capé de l’histoire du football uruguayen. Il est par ailleurs le seul Uruguayen choisi par Pelé en 2004 à figurer dans la liste des 100 meilleurs joueurs de l’histoire. Il est aujourd’hui vice-président de GOL-TV, une chaîne de télévision basée à Miami.
Tops et flops du prince Enzo
Milieu de terrain offensif, meneur de jeu, deuxième attaquant, neuf et demi ? Difficile de déterminer un poste au technicien de Montevideo. Habile, fluide et élégant, Enzo Francescoli est surtout un créateur de génie capable de faire marquer ou de marquer depuis n’importe quelle position… Il pâtit surtout de l’évolution d’un football européen de plus en plus physique, laissant de moins en moins la place à un milieu de terrain d’un gabarit modeste (1,80 m pour 75 kg). Francescoli laissera dans les mémoires olympiennes, le regret d’un immense talent contrarié par des blessures, sous-utilisé par Gili, noyé dans la constellation de stars au sein de ce qui restera sans doute comme la plus grande équipe de Marseille de l’histoire. Il ne verra d’ailleurs pas le chef d’oeuvre de 1991, ce quart de finale remporté face au grand Milan. Peu rapide, trop intermittent, éclipsé devant le but par Papin, et au milieu de terrain par Waddle, il n’a eu que trop peu l’occasion de montrer sa faculté d’élimination, sa grande pureté dans la conduite de balle, sa combativité, ou son immense efficacité devant le gardien. Ceux qui l’ont vu jouer au moins une fois conserveront longtemps en mémoire son attitude, tête haute, épaules en arrière, élégant et simple dans ces gestes, voyant tout avant tout le monde, illuminant par instants le jeu d’une ouverture précise, d’un contrôle subtil, d’une volte puissante qui donnait à ce joueur l’allure d’un danseur de tango allié à un combattant. Pour Zidane, ce fut l’inspirateur, le joueur absolu dont on imite en rêve ou sur les places de la Castellane la grâce d’arabesques insensées – le prénom donné au fils comme une dette que l’on doit au génie.
Gestes de légende
OM-Benfica : ce 4 avril 1990, 43248 spectateurs accueillent au Vélodrome le Benfica de Valdo, Lima, ou Magnusson entraînés par Erikson pour la demi-finale aller de la coupe des clubs champions. Marseille ne le sait pas encore, mais il va voir le match le plus accompli de son club en coupe d’Europe, celui qui fera penser pour la première fois que cette équipe est armée pour aller chercher le plus beau des trophées. Pour l’heure, le chef d’oeuvre commence par une douche froide : ce corner de Valdo repris dans une défense apathique par Lima, devant un Castaneda à peine sorti de sa retraite suite à la grave blessure de Huard. Mais Sauzée, presque dans la foulée, égalise – et juste avant la mi-temps, Papin redonne l’avantage. La deuxième mi-temps est celle de Francescoli, qui illumine la partie de sa classe folle, et durant laquelle il régale l’Europe : ouvertures après feintes de corps et décalages sur la gauche, passements de jambes et changements de pieds d’appui pour glisser la balle entre deux défenseurs, centres au cordeau, tacles rageurs, et surtout, surtout : ce retourné spectaculaire où Enzo vient chercher dans les six mètres au dessus de la tête de Aldair et du bout du pied une balle que Silvinho ressort miraculeusement sur sa droite et que tous voyaient déjà dans le petit filet. Plus rien ne sera marqué au terme de ce qui reste sans doute comme le plus grand match européen de l’histoire récente de l’OM. Le score, malgré un sublime Enzo, restera à 2-1. Suffisant pour espérer. Mais c’était sans compter le cauchemar du retour, cette main du diable, cette victoire volée au talent d’un Prince qui la méritait tant.