Après la série de défaites concédées par les Olympiens, une question interpelle chaque supporter : l’homme au costard-cravatte doit-il aller se rhabiller, et se gratter le cahier sur d’autres bancs ?
Cette question nous ramène à un travers bien marseillais, qui consiste à réclamer la tête quand le corps est malade… Mais le corps est-il réellement malade, ou subit-il une simple crise de croissance? La responsabilité du docteur Perrin est-elle engagée ? Enfin, le supposé malade a-t-il besoin d’une thérapie de choc, ou d’un traitement homéopathique ?
Tout d’abord, avant le traitement, un diagnostic s’impose. En apparence, il est aussi simple et rapide que dans un épisode d’ Urgences : depuis quelques matches, l’OM ne gagne plus, sa défense est tout sauf immunitaire, son milieu asphyxié, et son attaque s’essouffle à force de porter l’équipe à bout de bras. La circulation laisse à désirer, les nerfs sont mis à rude épreuve : oui, la crise est là, elle nous nargue, pas besoin d’un microscope pour la voir.
Oui mais voilà, on englobe sous le terme de » crise » des maladies n’ayant que peu de symptômes en commun. Ainsi, on peut qualifier de » crise » les périodes noires qu’ont connu le PSG, l’ASM et l’OM au début des années 2000 : cette crise était longue, tenait ses origines dans une série de traitements imposés par des médecins sans licence, et surtout, seuls des urgentistes en sont venus à bout.
Mais aujourd’hui, qu’en est-il ? Le malade, en comparaison, est drôlement alerte! Certes l’OM a connu sa première série noire de l’ère Perrin, mais la différence est de taille : il y a deux ans la crise était chronique, et cet enchaînement de défaites était le pain quotidien du supporter fidèle, qui venait au stade comme on va au chevet d’un mourant.
Alors, que s’est-il passé entre-temps, quel virus a perturbé nos esprits, troublé notre jugement? Ce virus, c’est l’ambition ! Et oui, si tout va mal, c’est parce que tout va bien ! Aujourd’hui, l’OM joue les premiers rôles en championnat, participe à la Ligue des Champions, et il est mené par un duo ayant pour lui un projet à long terme ambitieux. Les difficultés actuelles nous rappellent simplement que la route est longue avant de pouvoir tutoyer les sommets. Il s’agit donc d’une crise de croissance de la part du jeune effectif olympien, qui ne s’est pas encore mué en ogre, mais qui refuse de rester un petit poucet.
Ce constat fait, reste à déterminer la responsabilité du praticien Alain. L’ex-interne des hôpitaux troyens aurait-il été le vecteur du virus, attrapé lors d’un de ses nombreux déplacements en Europe ?
Que peut-on lui reprocher, d’ailleurs ? On se focalise souvent sur sa propension à changer perpétuellement les remèdes et les traitements : turn-over , disent les anglouillards. Mais est-il responsable des blessures à répétition, des suspensions, des méformes ? S’il a du jouer jusqu’ici les alchimistes, c’est par contrainte plus que par choix. On pourra bien dire que le serum Méité ou Ecker n’était que moyennement adapté aux poisons Derlei ou Ronaldo, mais qui, dans l’effectif disponible, aurait mieux fait ?
On évoque aussi les erreurs dans les commandes passées pendant l’intersaison. Le supporter voulait du haut de gamme, ambition retrouvée oblige, et il n’a eu que du second choix, produits prometteurs certes, mais non testés cliniquement. Vachousek n’est pas Zidane, c’est sûr, de même que Beye ne sera jamais Thuram. Mais au lieu d’incriminer notre Alain, ne doit-on pas plutôt tenir compte des restrictions budgétaires? Celles-ci l’ont contraint à jouer serré et risqué, là où l’anesthésiste Tapie et le chirurgien-dentiste Courbis pouvaient recruter du gros poisson sans regarder à la dépense.
Certes, restent des cas difficilement compréhensibles : Laurenti, N’Diaye sont-ils vraiment contagieux ? Vachousek ou Mido sont-ils utilisés efficacement ? Leur mode d’emploi ne comporte-t-il pas de contre-indications ( Attention! Ne doit pas s’approcher de la ligne de touche!… ) ? Le 4-4-2 est-il bien adapté ?
En définitive, l’Alain n’est pas irréprochable; mais peut-être lui aussi a-t-il besoin de prendre de la bouteille ?
On ne peut conclure qu’en souhaitant un traitement homéopathique : il faut accompagner le malade, non lui rentrer dans le lard. Donc virer Perrin, puisque c’est ça dont il est question, ne semble pas pertinent. Et d’ailleurs, que pourrait de plus un Tigana, nourri à la vache folle depuis plusieurs années ? Restons patients, restons confiants, et surtout – surtout ! – soyons lucides : l’enfant ne devient pas adulte du jour au lendemain ; il passe toujours par un âge ingrat. L’enjeu pour nous aujourd’hui est de passer ce cap en limitant les dégâts, tout en rêvant secrètement aux lendemains qui chantent.