Si un soir, dans un troquet, vous voyez d’arrogants parisiens, ou quelques Lyonnais vantards, ou encore des Bordelais chauvins qui viennent escagasser un fada de l’OM, ne vous étonnez pas si, malgré les quolibets, les critiques, les railleries et autres mesquineries, le Marseillais tient bon et ne craint dégun ! C’est qu’il possède une arme absolue, capable de faire taire n’importe quel sinistre plaisantin. Il lui suffit d’énumérer le palmarès de son club pour que l’imprudent qui s’était aventuré dans le difficile exercice de la moquerie soit renvoyé dans ses cordes. Le plus souvent, le Marseillais n’a même pas le temps de passer en revue toutes les lignes de ce palmarès, que ses contradicteurs ont déjà lâchement quitté la place. Il faut dire que la liste est longue. Les concurrents peuvent avoir de l’argent, des soutiens politiques, quelques starlettes éphémères, toujours ils envieront la salle des trophées de la rue Negresko.
À Marseille, il y a peut-être quelques années de disette, mais les titres se gravent en majuscule et les étoiles se tissent de fil d’or.
Du temps où la suprématie nationale se buvait dans une coupe, c’étaient déjà les Olympiens qui trempaient leurs lèvres… Si les clubs parisiens se mettent à plusieurs pour gagner les premiers titres, c’est l’OM qui vient les détrôner en 1924 ! Et depuis lors, ce sont dix Coupes de France qui sont venues s’aligner sagement dans la vitrine marseillaise ; c’est, comme il se doit, le record : cinq sont conquises dès l’avant-guerre, puis une en 1943, puis trois autres dans les années 1960-1970 ; enfin, la plus belle, avec la plus belle des finales, en 1989 face à Monaco (4-3), marquée de l’empreinte éternelle de JPP, Jean-Pierre Papin, qui signa un triplé ce soir-là.
Une fois que le football devint professionnel, c’est le championnat de France qui désigna le club souverain dans l’hexagone ; et tout naturellement l’OM devint rapidement une terreur de ce championnat. Après trois premières victoires en pro (1937, 1939 et 1948), ce sont les Marseillais qui font tomber l’hégémonie stéphanoise en 1971, et ils récidivent en 1972, réussissant pour la première fois le doublé coupe-championnat. Il faut alors attendre quinze ans pour voir éclore la plus belle série de titres de l’histoire de l’OM : de 1989 à 1993, cinq fois de suite, l’Olympique de Marseille a terminé premier du championnat de France, quoi qu’en dise. Ces cinq saisons, si brillantes, ont aiguisé les appétits des concurrents, mais ont surtout forgé dans le coeur des Marseillais un sentiment de fierté que rien ne pourra faire disparaître.
Mais la singularité ultime de l’OM, ce qui fait qu’il ne sera jamais égalé, dépasse le cadre de notre petit hexagone. C’est sur l’Europe entière que les Phocéens ont planté leur drapeau, le 26 mai 1993. Bien des clubs français ont rêvé de cette coupe des champions, mais seuls les Marseillais ont pu dormir, un soir, sur ses deux grandes oreilles. La tête de Basile Boli, quelques secondes avant la pause, avait fait bondir les coeurs de tout un peuple. Les bras du capitaine Didier Deschamps ont fait chavirer de joie Marseille et ont planté l’aiguillon de l’envie chez tous ceux qui ont dû espérer secrètement une victoire milanaise, pour empêcher les fiers marseillais de s’élever plus haut que tout le monde. Mais depuis ce jour, envers et contre tous et pour l’éternité, les ciel et blancs pourront se vanter d’avoir été « à jamais les premiers ! »…
Pour l’heure, cette histoire n’est suivie que de quelques sombres épisodes, au cours desquels la lumière ne s’est montrée qu’à demi, lors de finales perdues ou de championnats presque réussis. Mais le Marseillais n’aime pas la demi-mesure et il garde au chaud, depuis les heures les plus belles, un peu de fil d’or pour inscrire bientôt les nouveaux titres de gloires de l’OM…