On a les derbies qu’on mérite. Celui-ci n’a rien d’émoustillant : outre l’insignifiance sportive du club istréen et l’absence d’une réelle rivalité historique entre les deux clubs, le » choc » (sic) des Bouches-du-Rhône aura lieu en terre gardoise, comme pour mieux faire comprendre au supporter lambda que ce match sera bien le Lyon – ASSE du pauvre, voire du miséreux…
On ne s’étonnera donc pas du faible retentissement médiatique de cette rencontre. Les journalistes en effet, par ailleurs si prompts à qualifier de » derby » un match opposant deux clubs de renom – et ce parfois au déni de toute réalité géographique (cf. l’improbable » derby de l’Atlantique » Nantes – Bordeaux…), ont traité cet Istres – OM comme il convient : un match quelconque de Ligue 1. Que faut-il en conclure, sinon que la notion de derby est une notion à géométrie variable, qui n’a plus grand sens de nos jours puisque les critères sportifs contribuent désormais mieux à la définir que la géographie ?
Moralité de l’histoire : les amateurs de foot recherchent du spectacle de qualité, pas du folklore local. Les fidèles du match de 17h15 n’auront de toutes façons ni l’un ni l’autre ; et si ce n’était l’enjeu, personne n’aurait daigné réserver son samedi après-midi pour ce vrai-faux derby. Or l’enjeu mathématique du match, justement, est inversement proportionnel à son intérêt sportif : l’OM d’Anigo, récent vainqueur de Bastia, est en voie de stabilisation, mais une défaite ou même un nul auraient l’effet d’une catastrophe pour le bon José. Une victoire, au contraire, éviterait au successeur de Perrin de connaître prématurément le sort de son prédécesseur.
C’est en effet un match à gagner, et le footballeur interviewé à l’entrée des joueurs sur la pelouse aura plus que jamais raison de dire que l’important, » c’est les trois points « . On ne parlera pas de qualité de jeu, d’emprise sur le match ou de maîtrise collective : les Istréens, bien conscients de leurs faiblesses (relatives mais aussi absolues), laisseront de toutes façons la responsabilité du jeu aux Phocéens : seule compteront l’efficacité et le résultat.
Obtenir un résultat n’aura toutefois rien d’une formalité, non pas malgré, mais en raison même de la faiblesse de l’adversaire : celle-ci sera très paradoxalement son principal atout. L’OM en effet n’a pas une équipe pour dominer et construire ; au contraire, sa principale force est sa capacité à se replier dans son camp et à former un bloc difficile à manoeuvrer. Or l’incontestable hiérarchie ordonnant ces deux équipes placera inévitablement l’OM dans l’inconfortable position du favori. Il s’agit certes du lot commun réservé à tous les grands clubs, et en cas d’échec, ce point ne pourrait en aucun cas servir d’excuse. Mais il n’en reste pas moins que cette situation constituera un piège sournois, que l’OM devra impérativement éviter s’il veut sérieusement prétendre au titre de » grand club « … et au titre tout court.