La loi du milieu

Dans l’histoire du football, il n’est pas rare que se construisent des équipes extrêmement redoutables sans le concours d’attaquants de pointe extraordinaires : les équipes de France 1982-1986 et 1998 en sont deux exemples parfaits. Qu’on songe également au FC Porto champion d’Europe 2004. La saison dernière encore, le Liverpool FC vainqueur de la Ligue […]

Dans l’histoire du football, il n’est pas rare que se construisent des équipes extrêmement redoutables sans le concours d’attaquants de pointe extraordinaires : les équipes de France 1982-1986 et 1998 en sont deux exemples parfaits. Qu’on songe également au FC Porto champion d’Europe 2004. La saison dernière encore, le Liverpool FC vainqueur de la Ligue des Champions ainsi que l’OL champion de France 2004-05 ont obtenu leurs (très) bons résultats sans posséder de tueurs impitoyables au niveau de l’attaque. Mais pour compenser l’absence de buteurs prolifiques, le dénominateur commun à toutes les équipes à l’instant évoquées, c’est la présence d’un milieu de terrain très haut de gamme, composé de joueurs hyper-talentueux individuellement, et qui s’inscrivent dans un dispositif tactique où les maître-mots sont : complémentarité et solidarité.
A Marseille, il faut se souvenir à cet égard de la calamiteuse saison passée, où le milieu de terrain n’a jamais eu le rendement espéré. L’OM avait pourtant recruté des joueurs côtés, Benoit Pedretti et Eduardo Costa pour la récupération, Fiorese et Cheyrou pour l’animation offensive. Mis à part quelques matchs au début de l’ère Troussier, les deux premiers cités n’ont jamais été complémentaires, encore moins solidaires. Pour le reste il vaut mieux ne rien dire, par pure charité, des prestations de Fabrice Fiorese et de Bruno Cheyrou, globalement transparents. Heureusement, pour éviter le désastre complet, il y eut Laurent Battles, et le recours ultime à un sauveur, un minot de 18 ans, Nasri.
Saison 2005-2006, en cours : lorsque sera venu le moment de son bilan, il faudra sans doute porter au crédit de Jean Fernandez de s’être livré à une réflexion de fond sur ce secteur de jeu et d’avoir repris le chantier en main. On a beaucoup glosé sur le recrutement, mais dans le secteur du milieu de terrain, et compte tenu des moyens disponibles, chacun peut admettre que le résultat est plutôt probant.

Au sein d’un milieu composé de plus en plus souvent de cinq joueurs, les tâches défensives et la récupération sont principalement (mais pas exclusivement) la responsabilité de Lamouchi et Cana, chacun ayant sa sphère d’influence. Bien que n’étant plus de première jeunesse, Lamouchi est tout à fait au niveau physiquement, et son activité ne faiblit pas. Son expérience est par ailleurs très précieuse, et on a pu voir à de multiples occasions qu’il savait diriger à bon escient le jeu de ses coéquipiers. De son côté Cana fait partie des belles satisfactions de cette première partie de championnat, et pas seulement pour son but contre le PSG. Ce joueur est un battant, il veut s’imposer, il sait se mettre au service du club, il ne s’économise pas. C’est une très bonne recrue.
L’animation offensive est confiée à Ribery, Oruma et Nasri. Sur Ribery, tout a été dit ou presque : grand joueur en devenir, ayant le sens de l’intérêt collectif, ne ménageant ses efforts ni dans l’espace ni dans le temps. Wilson Oruma est lui aussi un joueur d’une importance capitale, par la dynamique qu’il imprime plus ou moins au jeu de l’OM. On lui fait parfois reproche de son irrégularité, mais à bien l’observer sur le terrain, on peut se rendre compte qu’il travaille énormément défensivement, qu’il va souvent chercher les ballons très bas et qu’il prend énormément de coups (les défenseurs adverses sachant fort bien que ce joueur doit être stoppé dès le départ de ses actions). Une telle dépense d’énergie peut expliquer le rendement à éclipses du Nigérian. Quant à Samir Nasri, peu utilisé au tout début de la saison, ses prestations récentes laissent espérer l’éclosion définitive de son grand talent.
Mais au-delà des qualités individuelles des uns et des autres, c’est la complémentarité et la solidarité de ce milieu de terrain qui font sa force : on n’a vu personne traîner les pieds, on n’a vu personne lâcher prise, chacun fait ce qu’il a à faire mais aucun ne rechigne aux tâches défensives, et Lamouchi et Cana se mêlent volontiers aux attaquants quand ils en ont l’occasion. Ajoutez à cela un José Delfim qui n’a pas à rougir de ses prestations, un Habib Beye qui a sainement accepté de permuter avec Lorik Cana pour quelques matchs (à Moscou notamment), et l’on peut dire que l’OM peut, cette saison, compter sur des milieux qui remplissent convenablement leur rôle et même plus, puisque la fréquente stérilité des attaquants de pointe les oblige aussi à marquer (tous nos milieux de terrain  » titulaires  » ont été buteurs depuis le début de la saison)…

Il reste que même si Franck Ribery se multiplie sur tous les fronts, même si Nasri offre désormais à Fernandez des solutions alternatives intéressantes, le renfort d’un milieu offensif côté gauche serait d’un grand secours. Les victoires acquises jusqu’à présent l’ont été, toujours, de justesse, dans la douleur, sur le fil du rasoir. En ces temps de vaches maigres offensives et dans l’attente du grand buteur espéré, le milieu de terrain de l’OM a globalement  » tenu la baraque « , et permis au club d’entretenir quelques espoirs pour la suite. Mais jusqu’à quand ?