Attraction des astres ou attraction désastre ?
Fin décembre 2005, en l’espace de quelques jours , deux joueurs de réputation internationale que l’OM convoitait, Maxi Lopez et Djibril Cissé, ont fait savoir fermement et sans ambiguïté par voie de presse qu’ils étaient très bien là où ils étaient (Barcelone et Liverpool) et qu’ils ne souhaitaient pas venir à Marseille. Par ailleurs l’Italien de Valence Di Vaio, lui aussi un temps annoncé comme possible du côté du boulevard Michelet, a finalement choisi l’AS Monaco. De ces négociations apparemment échouées, certains déduiront aussitôt que le staff de l’OM n’a pas fait tout ce qu’il aurait fallu faire pour s’attacher les services de ces attaquants de pointe, denrée rare sur le marché. D’autres encore argueront que la vraie raison de ces transferts ou prêts avortés, c’est que l’OM, ne jouant même plus LE premier rôle dans son propre championnat, n’intéresse plus grand monde hors de nos frontières.
Or il y a tout lieu de penser que les vraies raisons sont ailleurs. Elles se trouvent dans le contexte global du foot-business d’aujourd’hui et dans le cas particulier de la situation de la France. Aucun club français aujourd’hui, absolument aucun, n’a les moyens de financer le recrutement puis le salaire de très grands joueurs hyper-côtés sur le marché. Pas même l’Olympique Lyonnais, pourtant considéré comme faisant partie des 10 meilleures équipes européennes aujourd’hui. Juninho, Cris ? Excellents joueurs, mais pas hyper-côtés, loin d’être assurés d’avoir leur place de titulaire dans la sélection brésilienne, loin de l’aura médiatique des Kaka, Ronaldinho, Robinho et autres Ronaldo. Carew, Fred ? A l’échelle internationale, des seconds ou des troisièmes couteaux dans la hiérarchie des attaquants de pointe, loin derrière les Shevchenko, Adriano, Eto’o, Henry, Van Nistelrooy, Crespo, Trezeguet et autres Makaay. Ces joueurs-là, qui sont le Gotha du football d’aujourd’hui, même l’OL, club financièrement sain et géré de main de maître, club à l’heure actuelle sportivement attractif, ne peut pas se les offrir.
Et d’ailleurs, aurait-il les moyens de se les offrir que ces joueurs-là, ceux du top 20 ou même du top 50 mondial, refuseraient d’aller jouer à Lyon, tout comme ils refusent d’aller à Paris ou Bordeaux et de venir à Marseille, tout comme Maxi Lopez et Cissé ont préféré rester en Espagne et en Angleterre. Pour des raisons financières et fiscales : non seulement le salaire que leur proposent Barcelone, Liverpool, Chelsea, Madrid et autres Milan est sans commune mesure avec les possibilités des clubs français (étroitement surveillés par la DNCG, spécificité française), mais de plus la situation fiscale que leur consentent les Etats espagnol, italien ou britannique est incommensurablement plus avantageuse que celle que leur propose Bercy. Pourquoi Di Vaio a-t-il finalement choisi Monaco ? Le projet sportif de Monaco est-il actuellement plus attractif que celui de l’OM ? Poser la question, c’est y répondre. Les clubs français, tous les clubs français, n’ont même plus les moyens financiers de retenir les joueurs qu’ils contribuent à révéler : l’OM n’a pas pu garder Drogba, pas plus que Lyon n’a pu garder Essien. Face à la concurrence de clubs étrangers qui, en l’absence d’instances de contrôle comparables à notre DNCG, n’ont aucun compte à rendre et aucun scrupule à creuser les déficits, la partie est perdue avant même d’être jouée.
Pourquoi Maxi Lopez viendrait-il à Marseille ? Son salaire barcelonais est sans doute coquet, et le fisc espagnol lui en laisse une plus grande part que le fisc français. Le départ d’Eto’o à la CAN et les intermittences de Larsson lui garantissent un temps de jeu nettement augmenté dans un club hyper-médiatisé et spectaculaire. Autrement dit, des caractéristiques que l’OM actuel ne peut pas lui offrir. Objectivement, Maxi Lopez n’a aucune raison sérieuse de venir à l’OM.
Le cas de Cissé est fondamentalement assez semblable, avec une nuance de taille : Cissé aspirant à la sélection en Equipe de France pour la Coupe du Monde 2006, aurait normalement dû être séduit par l’OM qui lui assurait un temps de jeu plus important que les Reds. Et pourtant il a apparemment choisi (prudence : Cissé n’en est pas à un revirement près) de rester sur les bords de la Mersey, malgré les avanies que lui a fait récemment subir son entraîneur. Ce choix, s’il se confirme, donne la mesure de la différence de traitement financier d’un joueur, entre ce que l’OM peut offrir et ce que le Liverpool FC propose. Sportivement, Cissé a tout intérêt à venir à l’OM. Financièrement, absolument aucun. Il a semble-t-il fait son choix.
L’OM devra donc sans doute se contenter de Bonnissel, Maoulida et autres Pagis en lieu et place de Maxi Lopez, Cissé ou autres grosses pointures. Et pourtant, on ne peut semble-t-il pas soupçonner la Direction de l’OM d’avoir mal négocié les possibilités de prêts de grands joueurs. Il semble au contraire (les communiqués de presse et les interviews des intéressés en attestent) que tous les contacts aient été pris, que toutes les pistes aient été explorées. L’OM a simplement échoué là où aucun autre club français n’aurait actuellement réussi.
Ce n’est pas l’OM qui a perdu son attractivité, c’est l’ensemble des clubs français (avec l’AS Monaco qui fait exception, pour des raisons bien connues qui ont su apparemment emporter l’adhésion de Christian Vieri), face à des concurrents qui n’ont pas les mêmes règles, pas les mêmes contraintes, pas les mêmes scrupules. Mais pour ces concurrents-là, quand sera venu le moment d’assainir les finances et d’équilibrer les budgets (car ce moment viendra, nécessairement, inéluctablement, inexorablement), quand les requins-mécènes aux moyens illimités décideront de demander des comptes ou de retirer leurs billes, plus dure sera la chute. Pour ces clubs-là, gare au désastre.