Les semaines passent et rien ne s’arrange à Marseille. Le stade Vélodrome est devenu un self-service, où les gros viennent faire le plein à l’oeil: Lyonnais, Parisiens, Monégasques, Madrilènes et Portugais sont déjà passés, et pourraient ouvrir l’appétit de visiteurs moins prestigieux.
Pendant que ceux-ci se gavent à satiété, le peuple marseillais mange son pain noir. Privé de jeu depuis si longtemps, celui-ci se consolait encore récemment grâce aux victoires de son club. Mais voilà que depuis quelques temps, son tribut hebdomadaire n’est plus versé qu’épisodiquement, et pas toujours en intégralité.
Voilà donc le peuple phocéen privé de tout ce qui contribuait à le satisfaire, et il faudrait s’appeler Louis XVI pour ne pas voir que la situation est pré-insurrectionnelle: les slogans revendicatifs remplacent progressivement les encouragements, et les poings levés se font plus nombreux que les mains tendues.
Toutefois, il ne suffit pas de décréter la Révolution. Pour la faire, il faut des objectifs, des mots d’ordre. Alors tentons ici de résumer quelles sont les attentes des insurgés, afin de savoir si la Révolution est évitable, et si, le cas échéant, elle sera de sang ou de velour.
Le cahier de doléances du peuple olympien
Du 4-4-2 faisons table rase!
Nombreux sont ceux qui s’interrogent sur la pertinence du système de jeu mis en place par le gouvernement perriniste. Le 4-4-2 était censé améliorer le spectacle offert à la plèbe, et on doit bien constater que de ce point de vue le compte n’y est pas. Le jeu olympien, poussif et peu inspiré, laisse toujours le supporter frustré de frissons et de sensations fortes. Mais il y a pire: le passage du 5-3-2 au 4-4-2 est jugé responsable de la dégradation de nos résultats. Le 4-4-2 serait un système trop ambitieux pour nos prolétaires du ballon rond, et seuls les notables lyonnais ou les aristocrates monégasques auraient les moyens de l’appliquer avec talent.
Abolissons les privilèges!
Beaucoup attendent également une nouvelle nuit du 4 août du côté de la Commanderie. En effet, les mauvais résultats rendent de plus en plus incompréhensible le maintien de certains privilèges. Pourquoi l’apparatchik Vachousekou le Garde Suisse Celestini auraient-ils leur place assurée dans le Onze olympien?
Et inversement, d’autres ne mériteraient-ils pas une promotion? Les camarades Laurenti et N’Diaye ont-ils pris leur carte pour regarder les autres militer?
Non au gaspillage!
On accuse également le pouvoir olympien de mal utiliser les hommes et les deniers qui lui sont confiés. Ceux-ci auraient été vainement dépensés, en servant à acheter des joueurs moyens, qui n’auraient renforcé le groupe que quantitativement. D’où les exigences populaires: dans les travées du Vél’, on souhaiterait voir arriver un petit nombre de joueurs au mercato, qui seraient autant de cracks susceptibles de tirer l’équipe vers le haut. Ces revendications convergent en quelques points: un latéral, un taulier, et surtout un milieu offensif de grand talent.
Enfin, on évoque aussi un certain gaspillage du capital humain. Pourquoi Sytchev milieu gauche, pourquoi ne pas essayer le pauvre Skacel dans un registre plus offensif, pourquoi ne pas resituer Vachousekdans une position plus axiale? La liste pourrait encore être allongée de plusieurs choix que certains ont estimé aberrants, souvent après coup il faut bien le dire.
Le coupable à la guillotine!
C’est notamment pour ces raisons que l’idée d’envoyer Perrin à l’échafaud a gagné du terrain ces derniers jours. Une solution facile et radicale qui trouve une justification supplémentaire dans le refroidissement des relations entre l’entraîneur-manager et ses joueurs. Il faut toujours un coupable, et il est plus facile de s’attaquer à un homme qu’à vingt-cinq. Reste que l’accusé n’est pas prêt de passer aux aveux, et que la séparation, si séparation il y a, risque de plus s’apparenter à un putsch qu’à une courtoise passation de pouvoir.
Conclusion: peut-on éviter la révolution?
Vous l’aurez compris, je ne suis pas de ceux qui soutiendront le putsch. Cela dit, je pense aussi que certaines des critiques qui sont adressées à notre lider maximo sont justifiées, et qu’il serait suicidaire de les ignorer. Il lui est impossible de faire l’économie d’une remise en cause tactique, de ne pas reconsidérer certains choix contestables.
Alors laissons lui une chance de prendre les mesures qui s’imposent; pour tout ce qu’il a fait pour le club, il mérite bien un petit sursis.
Toutefois, je crains que les considérations technico-tactiques ne soient pas les plus cruciales; c’est l’aspect relationnel qui me paraît le plus inquiétant. Et n’importe qui sait qu’en cas de conflit de ce genre, l’issue est fatalement défavorable à l’entraîneur. Les révolutions ne s’embarrassent guère du sort des vaincus.