L’OM a-t-il perdu son âme ?

Depuis un an et demi, l’OM, incontestablement, va mieux . Le duo Bouchet-Perrin a assaini les finances, et installé de nouveau le club dans le haut du tableau ; si bien qu’aujourd’hui l’on parle – enfin ! – davantage de l’OM dans la rubrique des sports que dans celle des faits divers. L’OM est devenu […]

Depuis un an et demi, l’OM, incontestablement, va mieux . Le duo Bouchet-Perrin a assaini les finances, et installé de nouveau le club dans le haut du tableau ; si bien qu’aujourd’hui l’on parle – enfin ! – davantage de l’OM dans la rubrique des sports que dans celle des faits divers.

L’OM est devenu sage : les mouvements financiers douteux et les guerres de clans sont de l’histoire ancienne, et plus personne n’a à craindre une embuscade dans les couloirs du Vél’. L’OM est devenu rationnel : on ne recrute plus pour recruter, et les orientations de longue durée ne sont plus infléchies par les remous du court terme.

Une évolution unanimement jugée positive : qui se plaindra de voir le club pérennisé, de le voir à nouveau jouer les premiers rôles ? Assurément, personne. Toutefois, depuis les débuts de l’ère Perrin-Bouchet, il règne un sentiment étrange, profondément ambigu ; le supporter olympien, bien que plutôt satisfait du rendement de son club, ne peut s’empêcher de ressentir au fond de lui un manque récurrent. La nouvelle équipe est sérieuse, les joueurs appliqués ; mais tout le monde regrette, ouvertement ou non, consciemment ou pas, le délicieux bordel qui nous a tant fait aimer ce club. Les noms ronflants lâchés en pâture à la presse ? Du passé. Les gueulantes à Nanard ? Oubliées. Les tauliers, qui auraient préféré arracher une jambe plutôt que de laisser passer un Parisien ? Aux abonnés absents. Bref, le supporter a le sentiment que son club s’est normalisé : il n’est plus un OVNI dans le paysage footballistique français, et c’est son passé plus que son présent qui le différencie de ses concurrents.

On ne trouvera pas grand monde pour remettre en cause ce constat. L’OM ne fait plus rêver le footeux, si ce n’est dans ses souvenirs : un capital affectif encore puissant certes, mais qui, non entretenu, ne peut aller qu’en décroissant. Dès lors, la question à se poser est simple : ce sentiment est-il justifié, ou est-il le fruit d’une incurable nostalgie ? Autrement dit : les hommes en place – joueurs et dirigeants – sont-ils les responsables de cet état de fait, ou au contraire notre aveuglement est-il la cause de notre insatisfaction ?

Des joueurs indignes de l’OM ?

Les premiers visés sont naturellement les joueurs, censés être les dépositaires de l’esprit olympien. Tentons d’énumérer les torts qui leur sont régulièrement reprochés :

· Un manque flagrant d’agressivité : d’aucuns s’accordent à dire que nos gentils garçons ne l’auraient pas mené bien large face aux Di Méco, Mozer, Boli et consorts, j’en passe et des plus  » coriaces « , pour rester correct.

· Des ressources mentales insuffisantes : alors qu’autrefois l’OM remportait systématiquement les chocs de D1, nos joueurs semblent être victimes d’incontinence anale à la simple vue d’un mastodonte de Ligue 1. D’où notre enlisement à domicile, face à des adversaires qui dégoulinent d’envie de nous torcher, si vous me passez cette image ma foi fort triviale.

· Un amour du maillot incertain : en effet, beaucoup s’interrogent sur l’attachement au club de joueurs qui pour certains ont la tête ailleurs (les meilleurs…), et qui pour d’autres ont du mal à accepter le banc de touche… En quête d’explications, certains pointent le doigt sur l’origine des joueurs : très peu de régionaux, et beaucoup d’étrangers, pour qui l’OM ne signifie rien ou presque.

Mais cela suffit-il à qualifier nos joueurs d’indignes ? Pour remettre les choses à leur place, remémorons-nous quelques faits. D’une part, les tauliers de l’OM, avant d’être des guerriers, étaient des footballeurs confirmés, d’un très bon niveau de surcroît. Or, peut-on sérieusement demander à des gamins d’avoir l’assurance qu’ont pu avoir Di Méco ou Pardo aux alentours de la trentaine ? Non, évidemment. D’où leur apparent manque d’agressivité, et la difficulté qu’ils éprouvent à négocier les matches au sommet. D’autre part, quand on évoque un manque d’amour du maillot, il ne faut pas oublier que la plupart des joueurs de la grande époque ne restaient au club que quelques années, et que les plus appréciés étaient souvent étrangers. Ce qui ne les a pas empêché de donner naissance au mythe olympien…

Un tandem peu charismatique ?

Les dirigeants, s’ils sont moins exposés, ne sont pas pour autant épargnés. Mais que leur reproche-t-on au juste ?

· Des lacunes dans la communication : entre Christophe Bouchet, dont la moue dédaigneuse trahit son passé de journaliste au Nouvel Obs’ , et l’Alain, cravaté comme un vendeur d’aspirateur, il faut bien dire que notre duo ne soutient guère la comparaison avec le couple légendaire Nanard – Raymond la Science… On risque d’attendre encore longtemps les diatribes endiablées contre nos adversaires, les harangues d’avant-match et les déclarations populistes, qui avaient au moins le mérite de nous amuser, et surtout de rendre le club attractif…

· Un manque de crédibilité : l’affaire Barthez et les déclarations de Vedran Runje dans la presse ont montré que le tandem ne maîtrisait pas encore totalement son affaire. Là encore, la comparaison avec Tapie est cruelle : le bonhomme en imposait tellement qu’aucune de ses décisions, même les plus malvenues, ne pouvaient être contestées publiquement. Un système autoritaire, certes, mais qui a contribué à donner l’image d’un club soudé.

Doit-on en conclure que nos hommes ne font pas l’affaire ? Ce serait à mon avis très injuste, et il faut insister sur la difficulté d’être comparé à l’incomparable : ce n’est pas leur faire offense de dire qu’ils n’apporteront jamais à l’OM le supplément d’âme que Tapie, en son temps, avait su lui conférer. Tapie était un phénomène, et nous devons faire le deuil de son époque pour continuer à avancer.

Le passé glorieux, atout ou fardeau ?

Nous voilà donc au coeur du problème : il paraît bien évident qu’en espérant retrouver la folie du début des années 1990, nous nous condamnons à la frustration et à l’amertume. Cette époque est révolue, ne cherchons pas à la ressusciter. Ainsi, si notre passé constitue une de nos forces, il est aussi un handicap : tout ce qui est fait à Marseille est mesuré à l’aune des exploits révolus.

Alors, à la question que je me suis posée en introduction, je répondrai que c’est bien cette nostalgie qui nous donne l’impression que l’âme olympienne a été perdue. L’OM n’a pas perdu son âme ; celle-ci s’est recomposée au contact d’hommes nouveaux, d’une époque différente. Assurément, elle survivra. A condition que les résultats suivent, bien sûr…