Forte de son port et notamment de ses échanges avec ses soeurs méditerranéennes, Marseille a été longtemps indépendante. De son histoire unique, il perdure des règles différentes, une fierté et une forte identité, laquelle n’a certainement pas d’équivalence dans les autres grandes villes françaises. Cela explique une partie de la rivalité qui l’oppose depuis plusieurs siècles à Paris, capitale au fonctionnement bien éloigné et qui centralise aujourd’hui le pouvoir de la république. Le football n’a pas échappé à la règle. L’OM, par son unicité, son histoire tumultueuse et la passion qu’il déchaine, est assez représentative de ce qu’est la cité provençale. Après une année catastrophique, tant du point de vue des rapports humains qu’en terme de résultats, les dirigeants ont décidé de miser sur des locaux et de raffermir l’identité phocéenne. Certains apprécient, d’autres, qui considèrent peut-être que le choix des hommes n’est pas bon, moins.
José Anigo, un ancien minot aux commandes
Ancien joueur devenu entraîneur de la réserve puis de l’équipe première le temps d’une saison, José Anigo a été nommé directeur sportif au moment où Pape Diouf prenait ses fonctions de président. A l’heure actuelle, difficile de trouver quelqu’un qui maitrise mieux les rouages du club. Néanmoins, la guerre interne qui l’a opposé à Didier Deschamps n’a pas arrangé sa réputation et il concentre, comme d’autres avant lui, toute la haine de certains supporters. A tel point qu’il n’est actuellement pas conseillé de dire du bien de lui.
En outre, si Anigo a des responsabilités dans l’échec de la saison passée, alors on peut considérer qu’il en a aussi probablement dans la réussite du titre 2010. A l’instar de Didier Deschamps la saison dernière, José Anigo et Elie Baup doivent être jugés sur leurs résultats et non sur le passé ou sur les rumeurs colportées par certains médias parisiens dont les intentions sont suspectes voire qui ne maitrisent pas la ville de Marseille dans toutes ses dimensions. L’accent méridional est-il victime de discrimination ? Alors même qu’il avait permis à l’OM de terminer second, on se rappelle qu’Albert Emon était acclamé au Vélodrome et taxé d’incompétence par certains journalistes.
La cité phocéenne est une ville de réseaux où les mentalités sont quelques peu différentes de celles de la capitale. Quitte à critiquer le directeur sportif, autant le faire avec de vrais arguments.
La mentalité et l’identité de la ville est parfois incomprise
Malgré son talent, on peut considérer que le nouveau sélectionneur de l’équipe de France, Didier Deschamps, a commis l’erreur de sous-estimer l’effort d’intégration que nécessite d’entraîner l’OM. Quand Pape Diouf a pris soin d’ouvrir un dialogue avec les supporters, priant joueurs et entraîneur d’aller à leur rencontre régulièrement, le Basque a réussi à se les mettre à dos. Accueilli à bras ouverts, il n’est pas parvenu à faire adhérer tous les fans à sa philosophie du football. L’expression de sa rancoeur vis-à-vis d’Eric Gerets le soir de la première victoire de Coupe de la Ligue a par exemple été difficilement comprise. Son adhésion pour un jeu manquant de panache et sa volonté de ne pas s’appuyer sur le staff ou certains joueurs déjà présents ont fait le reste.
Au-delà de son palmarès et de son passage inoubliable en tant que joueur, il a négligé certains aspects de l’environnement phocéen et s’est retrouvé opposé, d’une certaine manière, à des Marseillais qui ne veulent pas que leur identité soient sacrifiée pour obtenir des résultats. Marseille, ville réputée pour absorber les immigrés de différents horizons, nécessite qu’on s’adapte à elle, et non le contraire. Sans Anigo, Deschamps se serait certainement heurté au même problème. D’autant que certains comme Bilbao ou Barcelone montrent que culture de club, résultats et jeu sont conciliables.
Le vestiaire reparle marseillais
Depuis deux ans, le club travaille afin d’améliorer le rendement de son centre de formation. Henri Stambouli, son directeur, souhaite s’inspirer du mode de fonctionnement du FC Barcelone. L’intégration des 12 jeunes lors du stage de pré-saison est une première étape. On a pu constater que l’équipe, constituée en grande partie de minots, a été capable d’obtenir un nul à Sion et à Nimes, et de ne pas être trop ridicule face au Benfica Lisbonne (0-2). La preuve s’il en fallait que tous n’ont pas un niveau CFA 2.
En terme de recrutement, priorité parait désormais donnée aux joueurs connaissant la ville ou disposant du tempérament adapté. Nombreux sont ceux qui se sont cassés les dents à Marseille, le dernier en date étant Alou Diarra. Les Phocéens savent où ils mettent les pieds et l’effectif a repris l’accent. Chez les pros, 9 joueurs ont été formé au club tandis que 9 autres sont natifs de la région (Abdallah, Fanni, Abdullah, Amalfitano, Ammari, Osei, J. Ayew, Raspentino et Gignac).
Une tendance qui explique peut-être l’état d’esprit différent affiché depuis le début de la saison. Si l’effectif parait quantitativement juste pour tenir le rythme jusqu’à mai prochain, la solidarité et la générosité caractérisent ce nouvel OM. Espérons que cela dure. André-Pierre Gignac, Morgan Amalfitano et Benoit Cheyrou, l’an passé plutôt en désaccord avec le modèle Deschamps, sont très attentifs à la cohésion du groupe et apparaissent à présent volontiers comme les véritables meneurs de l’équipe. Le premier et le troisième sont en l’occurrence très à l’écoute des supporters.
Les supporters locaux et l’influence des fans « étrangers »
Si l’on interroge un panel de fan sur ce qui représente le mieux l’identité de l’OM pour lui, nul doute que l’ambiance du Stade Vélodrome arrivera en bonne position. La ferveur et la passion qui entoure le club fait des adeptes partout dans le monde. C’est certainement l’un des éléments les plus importants expliquant que le club soit aujourd’hui le plus populaire en France.
Or la saison passée, les clubs de supporters ont exprimé leur mécontentement vis-à-vis de Didier Deschamps. Suspectés par certains d’être manipulés par José Anigo, une scission les a opposés à des fans de Marseille et, en plus grand nombre, d’ailleurs en France. Principalement sur internet. Critiqués, ces clubs de supporters n’ont toutefois pas lâché pas un pouce de terrain à l’ancien coach.
Au moment de porter un jugement sur l’attitude des membres des virages, il s’agit évidemment de se préoccuper du rôle social et l’importance que peuvent avoir ces groupes sur la ville. Si certains préfèrent parler de complots, de magouilles et d’arrangements, les relations tissées entre supporters et dirigeants sont en réalité une bonne nouvelle pour l’OM, même s’il elles ont tendance à assagir les premiers et à condition que les supporters soient entendus. A une autre époque, ils auraient réagi avec bien plus de virulence à l’absence de résultats de la saison dernière.
Malgré ce que peuvent penser certains observateurs extérieurs, les Marseillais sont certainement les mieux placés pour juger de ce qui est le meilleur pour leur club, sous condition qu’aucun intérêt personnel ne soit en jeu. Ce sont bien eux qui ont fait de lui ce qu’il est aujourd’hui et le font exister. Car on ne peut pas prendre ce qui nous intéresse dans une culture, et rejeter le reste. Supporter l’OM, c’est accepter la singularité d’une ville latine à la culture différente et difficilement compréhensible pour certains non-initiés.
Et si attirer un investisseur implique un changement d’ambiance en tribune et de mentalité, comme c’est le cas à Paris, on peut s’interroger sur sa nécessité. Il faudra peut-être choisir, dans les années à venir, entre l’auto-financement et l’arrivée d’un nouveau propriétaire richissime mais peut-être moins regardant sur la transmission de l’identité du club. Et finalement, nombre de journalistes souhaiteraient peut-être que Marseille et l’OM rentrent dans le rang.
Après bien des désillusions, espérons surtout que l’unité sera de mise et que la passion sera de retour.