C’était en septembre 2003. La princesse Stéphanie, confirmant sa réputation d’excentricité, épousait… un acrobate portugais. Pas un prince, un noble, voire un roturier enrichi. Non, un acrobate, un amuseur de foules, un vulgaire saltimbanque, un de ces bouffons qui devaient divertir les ancêtres de l’ex-chanteuse : pour la famille princière, le choc fut rude. Celle-ci était pourtant habituée aux choix atypiques de la donzelle : quelques années auparavant, c’est de son garde du corps que Stéphanie s’était amourachée. Un guerrier passe encore, mais un bouffon…
Pourtant question bouffonneries, on s’y connaît sur le Rocher. Quel spectacle plus pathétique que de voir le prince bobsleigheur s’agiter comme une jouvencelle toutes les semaines à Louis II ? Les caméras de canal ne manquent aucune des mimiques de l’héritier Grimaldi : joie, agacement, enthousiasme ou tristesse, tout y passe. Il faut dire, ce n’est pas si fréquent un ultra en costar, de surcroît en tribune officielle… Il y aurait pourtant d’autres choses à filmer en terre monégasque. Pas en tribune, mais plutôt sur le terrain. Si Monaco a su conserver sa base défensive, il a su renouveler son attaque avec brio : Saviola, Kallon et Chevanton sont parmi les meilleurs attaquants de Ligue 1, et si la mayonnaise n’a pas encore bien pris, leur talent ne fait aucun doute. Et le spectacle est là – au moins par intermittence.
A Marseille, c’est un peu le contraire. Sans les tifos et les subtiles banderoles » dirigeants cassez-vous ! « , il n’y aurait rien de bien distrayant du côté du Vél’. Si les résultats sont honorables, le spectacle est honteux. Certes, on a l’habitude, mais une énième saison d’ennui risquerait d’en dégoûter plus d’un. De l’OM, ou du foot en général ? Cette semaine, le caractère ennuyeux de la Ligue 1 a été au coeur de toutes les discussions. Pourtant, quand on voit les performances de l’OL et de Monaco en Ligue des Champions, on se dit que ce championnat est loin d’être mauvais, et que le l’ennui footballistique est d’abord un phénomène marseillais. Or l’ennui n’est-il pas le pire ennemi de la passion et de l’amour ? Conclusion : si l’OM veut rester un mythe, il doit réapprendre à faire rêver.
Le match de ce soir, premier véritable choc de la saison, arrive à point nommé. Une victoire olympienne rendrait bonne une situation moyenne, et permettrait au peuple olympien de renouer avec l’espérance. Et des raisons d’espérer existent, justement : les retours de Frédéric Déhu – excellent à Lens – et peut-être de Benoît Pedretti vont enfin permettre à l’OM de faire évoluer simultanément tous ses cadres. Et l’OM, s’il n’est pas étincelant, est désormais solide, étant invaincu depuis quatre matches.
Est-ce que cela suffira ? Difficile à dire, d’autant plus qu’il est impossible d’évaluer la capacité de l’OM à se transcender, le club phocéen n’ayant rencontré jusque-là que des seconds couteaux. Quelle sera la réaction olympienne ? Deux scénarii s’offrent à nous : soit l’OM 2004-2005, à l’image de sa devancière, est une équipe de caractère ne révélant tout son potentiel que lors des grands rendez-vous ; soit cette équipe est tout simplement moyenne, et dans ce cas la réception de Monaco agirait comme un révélateur de ses profondes lacunes.
Bref, ce match sera un test grandeur nature, que l’OM devra effectuer sans filet. Marseille n’est pas favori, et se trouve finalement dans la position de l’acrobate portugais qui voulait épouser une princesse : pour la séduire, il devra redoubler de volonté et d’ingéniosité, ne disposant pas des mêmes atouts que son rival princier. Et comme ledit acrobate, il n’a pas le droit à l’erreur : une chute pourrait s’avérer mortelle pour ses ambitions nationales, eu égard au calendrier qui attend les Marseillais. En définitive, le match de ce soir devrait nous aider à déterminer si l’OM est bien l’acrobate de la Ligue 1… ou s’il en est le clown.