Marcelo Bielsa n’est pas né de la dernière pluie. Celui qui est surnommé El Loco a connu d’autres environnements à pression du côté de l’Argentine, du Chili ou du Mexique. Le technicien est arrivé le 24 juin à Marseille, fort de certaines certitudes liées aux engagements de Vincent Labrune. Deux mois et demi plus tard, le Rosarino est sorti de ses gonds, visiblement convaincu que le président n’avait pas honoré ses promesses. L’arrivée tardive du Brésilien Doria, qui aura la lourde charge de remplacer à la fois Lucas Mendes et Souleymane Diawara, n’a pas atténué sa déception. Car, aussi fou soit-il, le nouveau coach marseillais est attaché à la notion de parole. Ainsi, alors que la trêve internationale promettait enfin un peu de sérénité pour préparer la suite après la belle victoire face à Nice, le déferlement médiatique a repris de plus belle. Une situation que Vincent Labrune aurait quant à lui dû anticiper.
El Loco se rebelle contre Labrune
L’ancien patron de l’Albiceleste avait prévenu, lors des rendez-vous précédents avec les journalistes, des divergences de point de vue entre lui et sa direction. Il a explosé le jeudi 5 septembre 2014 dans la salle de conférence de presse du centre Robert Louis-Dreyfus.« Le bilan de ce marché des transferts est négatif, a-t-il balancé froidement. Je crois que le président m’a fait des promesses qu’il savait qu’il n’allait pas tenir. Si tout cela m’avait été dit avec sincérité, je l’aurais accepté. Mais dans le cas contraire, je ressens un sentiment de rébellion. » Il a également indiqué « avoir appris la vente de Lucas Mendes au dernier moment car il partait au Qatar » et « l’achat de Doria le lundi après-midi alors qu’il arrivait pour la visite médicale ». Il a précisé s’être « opposé à l’arrivée de Doria » : « Quand je donne ma position sur un joueur, je prends en compte de nombreux facteurs et l’un d’entre eux est de savoir quelle est sa valeur, s’il est là pour la durée. L’arrivée de Doria, je n’ai pas pu l’analyser. Je n’ai pas pu donner mon opinion. » Il s’est aussi payé la cellule de recrutement phocéenne : « Le président m’avait aussi promis qu’on n’allait pas engager de joueurs étrangers, car l’OM n’a pas la structure suffisante pour évaluer les qualités d’un joueur qui ne joue pas en France ! » Enfin, il a communiqué le nom d’une dizaine de joueurs qu’il avait souhaité voir arriver et que le club n’est pas parvenu ou n’a pas voulu recruter.
Bielsa prêt à claquer la porte ?
Sur le fond, difficile de donner tort à Marcelo Bielsa. Sur la forme, on peut regretter qu’il n’ait pas privilégié le dialogue interne à cette humiliation publique. Cette attitude laisse-t-elle présager une démission à venir ? Selon La Provence, le président de l’OM craindrait « un départ inopiné » de l’Argentin et lui chercherait un successeur, même si l’information a rapidement été démentie. Un rendez-vous aura lieu le 15 septembre entre Vincent Labrune, qui est actuellement en vacances, et son technicien. Il promet d’être chaud.
En attendant, quand 48 % de nos lecteurs tiennent le boss de l’OM comme responsable de cet imbroglio (17 % d’entre eux pensent que Bielsa est fautif, 35 % considèrent que le tort est partagé), bon nombre de journalistes qui attendaient l’entraîneur au tournant lui taillent un costard. Son plus farouche défenseur est parisien. Daniel Riolo s’insurge effectivement contre le manque de respect dont on fait preuve à l’égard de celui qui a un statut de légende dans de si nombreux pays. Il dénonce ainsi un « corporatisme » made in Ligue 1. Il est vrai que depuis son arrivée, Marcelo Bielsa semble déranger. Précédé d’une réputation de travailleur invétéré, il paraît avoir réellement remis les joueurs Marseillais au boulot. Certains d’entre eux l’ont d’ailleurs avoué à demi-mot. S’il obtenait de bons résultats, cela pourrait remettre en cause les méthodes de travail hexagonales.
Car rares sont les hommes de médias à avoir donné de crédit aux propos de Didier Deschamps, Carlo Ancelotti, Thiago Silva ou même Joey Barton, lorsqu’ils s’offusquaient du manque d’implication des Français à l’entraînement. De surcroît, si tout le monde n’en a pas pris conscience, les difficultés connues par Marcelo Bielsa à Marseille sont particulièrement commentées en Espagne et en Amérique du Sud.
Un mercato mal géré
Selon Vincent Labrune, « notre effectif est reconnu par tous comme un effectif de qualité capable de répondre aux objectifs fixés ». Néanmoins, seul le terrain révélera si oui ou non les choix ont été les bons.
Le président et ses acolytes ont donné la priorité au recrutement d’éléments offensifs alors que, malgré les départs de Souleymane Diawara et de Lucas Mendes et la mise à l’écart de Rod Fanni, seul Doria est arrivé in extremis afin de renforcer le secteur défensif. Jusque-là, Marcelo Bielsa a dû composer avec Jérémy Morel et Alaixys Romao en défense centrale. Une situation incroyable qui laisse juste à penser que ce marché des transferts a été quelque peu improvisé.
L’Argentin devra également se passer de la présence d’un vrai taulier dans son vestiaire. Un rôle que Gary Medel, international chilien que souhaitait voir arriver El Loco, aurait par exemple pu tenir, même s’il était assez cher. La politique des jeunes affiche souvent de cruelles limites dans un tel environnement.
La gestion calamiteuse du « loft » a aussi considérablement compliqué les affaires du club. La méthode des mises à l’écart par mail ou SMS s’est notamment révélée désastreuse. Et puis si personne à l’OM ne se sent apte à faire le travail d’un directeur sportif, pourquoi ne pas en recruter un ? Le manque de présence face aux médias est responsable du flou qui règne autour du club. Aussi solide qu’il soit, Marcelo Bielsa ne pourra pas prendre sur lui toute la pression olympienne.
Déjà pointé du doigt pour les incohérences survenues ces dernières années qui ont conduit au fiasco sportif de la saison 2013-2014, Vincent Labrune pourrait perdre beaucoup de crédibilité dans cette histoire. Une seconde saison consécutive sans Ligue des Champions est juste… impensable. Espérons que le président sortira de l’ombre et prendra soin de se rabibocher avec El Loco avant que celui-ci ne décide de jeter l’éponge.