Alors que se profile la trentième journée de Ligue 1, comment ne pas revenir sur la soirée de jeudi ? Un vélodrome format européen, un grand d’Europe – Anglais de surcroît – qui succombe, Abdoulaye Meïté qui se prend pour Basile Boli, et surtout un quart de finale à la clé : que d’émotions pour un public qui en a tant manqué jusqu’ici ! Autant dire que l’ambiance est à la fête, non seulement chez les supporters – leur légendaire exigence n’a pu y résister ! – mais aussi au sein de l’équipe : après tant de brimades et de railleries, comment ne pas se laisser enivrer par l’euphorie ambiante ? L’OM a enfin tombé un gros morceau : le mauvais sort est rompu, et le soulagement doit être à la mesure des déceptions de la saison finissante.
Un soulagement et un plaisir partagés par nos adversaires du soir : après leur qualification face à Bruges, les Girondins ont bien mérité des festivités, placées – on n’en doute pas – sous la protection de Bacchus. Une ambiance très Flamenco, entretenue par les Ibères Riera et Céladès ; même les pigistes cariocas ont du y aller de leur pas de samba. C’est que là-bas comme chez nous, les réjouissances se font rares depuis le début de saison, et le parallèle avec l’OM est aisé à établir, de l’absence de jeu aux changements d’entraîneurs. Leur parcours en UEFA confirme ce rapprochement ; aussi la principale interrogation concernant le match de ce soir est commune aux deux équipes : comment un groupe habitué à la gueule de bois va-t-il gérer ce lendemain de fête ?
Le dégrisement s’annonce pour le moins difficile du côté bordelais. Le vin donne mal à la tête, surtout quand on n’en a pas l’habitude. Kossonogov (reprise), Eduardo (oeil), Feindouno (abdominaux) et Deivid (adducteurs) n’ont toujours pas cuvé le St-Emilion. Quant à Jemmali, Planus et Céladès, quelques jaunes de trop les ont contraint à rester à la maison. Un milieu amputé, une défense décimée : pour un choc, l’addition de ces absences est salée. D’autant plus que du côté du Haillan, on ne mène pas la vie de château : onzièmes du championnat, les hommes de Pavon n’ont plus gagné en Ligue 1 depuis le 6 mars. Le succès à Bruges ne doit pas faire illusion : le cru 2004 a tout d’une vilaine piquette. La Coupe d’Europe est en effet à Bordeaux ce que l’alcool est aux problèmes : un échappatoire temporaire, mais en aucun cas une solution.
Du côté olympien en revanche, on rêve de prolonger l’ivresse. Après Liverpool, Bordeaux en guise d’after : le programme est séduisant. Nos larrons n’ont pas oublié d’avaler leur oxyboldine jeudi soir, et seuls Steve Marlet (ischio-jambiers) et Demetrius Ferreira (suspension) manquent à la fête. Il y a des raisons d’espérer : un adversaire – nous l’avons vu – affaibli, une supplément de confiance emmagasiné, une communion retrouvée avec le public et une probable émulation due aux perspectives européennes… Mais attention toutefois au contrecoup de la folle nuit de jeudi : la débauche d’énergie a sans doute perturbé les fragiles organismes de nos champions, qui ont en outre la fâcheuse habitude de ne jamais enchaîner deux performances du même tonneau.
Ce sont cependant ces derniers qui paraissent les mieux lotis en vue de la confrontation de ce soir. Tant mieux, car la fin de saison approche et chaque point coûtera très cher désormais : un hold-up bordelais et nos adversaires du soir ne seraient plus qu’à deux points de l’OM, tandis que nos rivaux prendraient le large.
Au-delà des nécessités comptables, ce match sera un excellent révélateur des capacités de l’OM à atteindre une certaine régularité. A l’heure où il est acquis que José Anigo, préféré à Laurent Blanc, dirigera toujours l’équipe l’an prochain, le résultat pourrait bien rassurer – ou a contrario inquiéter – les supporters sur les compétences du bonhomme.
Enfin, ce match sera aussi une belle occasion pour l’OM de se débarrasser d’un de ses vieux démons : Bordeaux est traditionnellement la bête noire des phocéens. Mais toutes les séries ont une fin ; espérons que celle-ci ait droit ce soir à une mise… en bière !