Le navire OM est sans capitaine : Vincent Labrune est porté disparu. Muet depuis des mois, absent lors des deux premiers matchs amicaux de son club et des deux reprises décalées de l’entrainement, le président de l’OM n’a pas donné signe de vie depuis la fin de saison dernière. Son profil est pourtant atypique pour un président de Ligue 1 : une quarantaine d’années, la coiffure travaillée façon Neuilly-sur-Seine, des costards impeccablement coupés, le téléphone vissé sur l’oreille, la main dans la poche ou tenant une cigarette, un vrai look de chef golden-boy. Habitués que nous sommes à des dirigeants omniprésents dans les médias, les supporters commencent à s’inquiéter. Est-ce légitime ?
Un président parisien à Marseille
Plutôt qu’à Marseille ou ses environs, Vincent Labrune a choisi la difficulté en habitant Paris. Il faut dire que ce titulaire d’un DEA en économie internationale et finance du développement travaille bénévolement à l’OM. Et pour « joindre les deux bouts« , il cumule les jobs et fait donc deux journées de travail. Ses prédécesseurs eux ne se gênaient pas pour empocher un beau salaire pour un seul. La capitale, c’est aussi là où il est le plus à même d’observer ce qui se passe chez le Paris Saint-Germain, le principal concurrent de l’OM, qu’il cite fréquemment dans les médias. D’après lui, un modèle à ne pas suivre : l’argent n’est pas le plus important, Vincent l’a clamé haut et fort dans So Foot en mars dernier (il ne parle généralement qu’aux médias situés en Ile de France). « En France, il y a un grand club, pas deux, et c’est l’OM. (…) Le PSG a mis 100 millions d’euros dans les transferts cette année, c’est-à-dire dix fois plus que nous. Pourtant, quand je regarde mon équipe et que je regarde la leur, je me dis… Si on n’avait pas raté notre début de saison, il y aurait match avec le PSG. » Il a vu juste : deux mois après, l’OM n’a fini qu’à 31 points des Parisiens. La preuve s’il en fallait que l’on peut assurer avec un budget mercato très limité.
Un manager darwiniste, un financier visionnaire
Fin d’année 2011, on a appris que José Anigo et Didier Deschamps ne pouvaient pas s’encadrer. Et tout au long de la saison, leurs disputes ont agité les coulisses du club puis les médias quand les deux hommes ont dégainé devant une presse éberluée. Si Jean-Claude Dassier était parvenu à faire cohabiter les deux gros caractères, Vincent Labrune, fidèle à sa réputation de stratège, a opté pour une technique basée sur la sélection naturelle. Cette dernière consiste à laisser les deux individus s’affronter sans intervenir : le plus fort l’emporte. Ce coup-ci, le Marseillais s’est révélé plus fort que le Basque.
Côté finances, l’homme est capable d’imposer des conditions drastiques sans que cela remue l’estomac des virages. Un vrai tour de force. Après quelques années de dérive (et de succès), il fallait reprendre les choses en main. Au programme, diminution du train de vie du club et notamment de la masse salariale. Il a ainsi cédé Lucho Gonzalez au FC Porto en échange des dernières annuités de son transfert, en janvier dernier. Il s’est d’ailleurs expliqué : « cette saison, il nous a fait gagner quoi ? » Quelques mois plus tard, Margarita Louis-Dreyfus n’a eu qu’à combler un trou de 35 millions d’euros. L’OM ne disputera peut-être pas la prochaine édition de la Ligue des Champions, mais le club phocéen a passé avec succès l’entretien annuel de la DNCG. Que demander de mieux ?
L’adepte du charme et de la discrétion
Vincent Labrune ne manque jamais – habituellement – une rencontre de son équipe fétiche. Si à distance, son charisme suffit à asseoir son autorité (même si Bernard Tapie en doute), rien n’équivaut sa présence pour transcender les joueurs. Le public paraît d’ailleurs apprécier ses efforts et le lui rend plutôt bien. Quand les banderoles fleurissaient sur Didier Deschamps, le président a lui été épargné. C’est un signe fort. Il faut dire que l’homme tranche avec ses prédécesseurs. Quand ces derniers profitaient de la moindre occasion de se montrer dans les médias, Vincent Labrune opte lui pour la discrétion. Et si l’OM est victime d’une erreur d’arbitrage, il n’en rajoute pas. Si son entraineur est vilipendé par la presse, il ne s’interpose pas. Si ses joueurs sont décriés, il ne bronche pas. Christophe Bouchet et Pape Diouf ont bien tenté de faire des esclandres et on a vu le résultat : pas un trophée à leur palmarès. Vincent, lui, en a déjà deux à son actif.
Absent depuis la reprise de l’entraînement, le président n’a assisté à aucun des deux matchs amicaux jusque-là disputés par l’OM. Voilà ce qui est vraiment inquiétant. D’ailleurs si Elie Baup a été indulgent avec ses poulains après les deux contre-performances face à Sion (1-1) et Benfica (2-0), c’est certainement qu’il a saisi la méthode du boss : pas de vague. Ce qui est assez iconoclaste pour une ville tournée vers la mer.
Président avant-gardiste, Vincent Labrune a certainement compris qu’il valait mieux sacrifier quelques saisons pour bâtir de solides fondations plutôt que de grandir trop vite à la manière du PSG. La Ligue des Champions est sans aucun doute arrivée trop tôt pour cet OM. Heureusement, d’autres club comme Nantes ou Saint-Etienne ont montré la voie. Le chemin est tout tracé. Efforçons-nous de le suivre en espérant que notre maitre à penser soit rapidement de retour.