Les temps changent. L’OM en demi-finale de la coupe de l’UEFA, qui l’eut cru il y a encore trois mois, lorsque le chauve avé l’accent reprit en main ce groupe sans âme ? Quoi qu’on pense de ses qualités et de ses défauts, quoi qu’on dise de son passé ou qu’on prédise de son avenir, un constat s’impose : José Anigo, le taulier au grand coeur, le minot pur jus au franc-parler pur sucre s’est mis tout son monde dans la poche.
A commencer par le président Bouchet, qui a d’ores et déjà confirmé son maintien l’an prochain. Tout oppose pourtant les deux hommes : d’un côté Bouchet, le bourgeois froid et calculateur, hautain diront ses détracteurs ; de l’autre Anigo, l’homme du peuple spontané et enthousiaste, un peu trop diront les siens. Le premier diffère autant du second que la glace du feu. Or – c’est bien connu – le feu et la glace font mauvais ménage… Comparons-les plutôt au yin et au yang ou aux pôles d’un aimant : à chacun sa place pourvu que l’harmonie et l’équilibre règnent.
Mais le camp des thuriféraires du roi José dépasse largement les cercles restreints du pouvoir olympien… En trois mois, il s’est attaché ses troupes tel jadis Napoléon et ses grognards. Ceux-là même qui désertaient tous les samedis soir se disent aujourd’hui aussi fidèles que des samouraïs : certains ont même lié leur avenir au club à son maintien. L’histoire ne dira pas si les concernés se seraient effectivement fait hara-kiri en cas d’éviction de leur seigneur, mais l’intention a parfois autant de valeur que le geste. Enfin, si les joueurs ont trouvé leur mentor, les supporters ont découvert un messie : en quelques matches de prestige, Anigo a ramené la foi dans leurs âmes. Prophète en son pays, il a rappelé le supporter au destin providentiel de son club, et lui fait entrevoir un avenir lumineux.
Mais gare aux fausses prophéties ! Certes, on peut légitimement apprécier le travail accompli jusqu’à ce point, surtout en comparaison avec les derniers mois de son prédécesseur. Mais l’OM n’est pas passé de la cave au grenier en si peu de temps : si les fondations semblent jetées, reste à savoir si elles survivront aux premières secousses et aux premières bourrasques. Ne disait-on pas le bâtisseur Perrin à la tête du chantier olympien pour au moins trois ans ? Sans parler des finitions, car à défaut de mieux Anigo a du bricoler : défense à cinq, Brahim Hemdani libéro, deux milieux offensifs à défaut d’un feu follet aux côtés de Didier Drogba… Certes, tout cela fonctionne bien, voire très bien : mais il ne s’agit pour lui que de simples rafistolages, et il faudra attendre l’an prochain – et les joueurs qu’il aura choisis – pour vraiment juger de son envergure. L’héritage Perrin ne pourra lui servir d’excuse en cas de mauvaise passe.
En attendant l’heure de vérité que sera pour lui la saison prochaine, il lui reste encore un défi à relever : confirmer les succès de prestige face aux petites écuries de Ligue 1. Anigo est à bien des égards un anti-Perrin : tempérament, méthode, tactique, communication… Cela se confirme en termes de résultats : alors que Perrin assurait des victoires étriquées face aux petits tout en se vautrant lamentablement contre les grands, notre homme providentiel fait exactement le contraire. Le match de ce soir sera donc pour lui l’occasion rêvée de montrer qu’il est capable d’obtenir deux types de performances de la part de ses hommes : des matches héroïques lors des grands rendez-vous, et des matches tranquillement gérés pour le rituel du samedi soir.
Pour la réception des Dogues lillois, Anigo semble en tout cas avoir retenu certaines leçons. Contrairement au match de Bordeaux, où il avait décidé de reconduire telle qu’elle l’équipe victorieuse en coupe d’Europe, le bon José a annoncé une rotation d’effectif importante, de l’ordre de 50 %. Le jeu marseillais reposant en grande partie sur la fraîcheur physique, ce choix paraît cohérent, mais risqué. En effet, s’il s’agit d’une belle occasion de revoir des joueurs comme Stepan Vachousek, Rudolf Skacel, Fabio Celestini, Johnny Ecker et Philippe Christanval, leur état physique et surtout mental est pour nous un grand mystère.
Un mystère qui s’éclaircira ce soir à partir de 18 heures. Avec l’espoir de voir enfin l’OM d’Anigo enchaîner et confirmer. Mais aussi avec la crainte que nos joueurs attrapent un chaud-et-froid, en gérant mal la transition entre la torride coupe d’Europe et la froide réception d’une petite équipe de Ligue 1. Les Lillois sont en outre en bonne santé : Claude Puel a enfin trouvé la bonne formule, avec des changements de titulaires et les arrivées remarquées de Tavlaridis et Acimovic. Aux nôtres donc de bien se couvrir, en se mettant le plus rapidement au chaud… Il serait en effet fort préjudiciable au club de s’enrhumer ce soir : si les phocéens veulent revivre des grandes soirées européennes, il faudra absolument aller chercher cette place qualificative pour l’UEFA. A vos souhaits !