Milan, capitale de la mode. Marseille, ses sardines et son Vieux-Port. La Lombardie, région isolée des Alpes Italiennes. La Provence, fervente vitrine de la chaleur du Sud. L’AC Milan, institution policée au fonctionnement cartésien. L’OM, son public bouillonnant, ses hauts, ses bas. De prime abord, tout semble opposer le club rossonero du club phocéen, et leur propre environnement. Pourtant, en s’y penchant, il est finalement aisé de les rapprocher. Respectivement épicentres du foot italien et français, les deux clubs cultivent la culture de la gagne, une ferveur qui dépasse le cadre de la simple ville, et une aura planétaire. En bref, de chaque côté, ça respire le foot ! Les retrouvailles de ce soir, au stade Vélodrome, provoquent l’occasion de se replonger dans de lointains souvenirs (Marseille a affronté 3 fois Milan entre 1991 et 93, et est invaincue). Mais mettent surtout aux prises deux clubs au passé des plus glorieux ; le Milan AC pèse 17 championnats d’Italie, 5 coupes d’Italie, et 7 Ligues des Champions notamment, tandis que l’OM est à créditer de 10 championnats, 10 coupes, et 1 Ligue des Champions (face à Milan). Si le Milan AC, tête de série, semble mieux armé au combat, les Marseillais, habituellement transcendés par les chaudes ambiances européennes, ont leur mot à dire.
Didier Deschamps, s’il ne l’avoue pas ouvertement, a préparé son équipe en projection de l’ouverture de la Ligue des Champions. L’OM a parfois tâtonné lors des cinq matchs déjà joués en Ligue 1 mais a rempli le contrat d’un point de vue comptable, avec 3 victoires et 2 nuls. C’est donc le moment idoine pour recevoir Milan. L’effectif est quasiment au complet (Lucho est opérationnel, seul Koné est indisponible), la confiance est au plus haut après le succès au Mans, et la défense marseillaise transpire l’assurance (2 buts encaissés depuis l’ouverture du championnat, dont 1 sur penalty). Tous les voyants sont au vert. Il ne reste plus qu’au coach basque à trouver l’alchimie pour ce match. L’OM a traditionnellement évolué en 4-3-3 depuis le début de la saison. Mais la méforme de Ben Arfa, les blessures à répétition de Koné, mais surtout le retour de Lucho, ont poussé Deschamps a modulé son système en 4-4-2, avec un milieu en losange. Cette configuration fait la part belle à une paire d’attaquants et permet au très bon Abriel de réintégrer le onze de départ. Si les Olympiens veulent avoir une chance de bousculer les Milanais, ils devront gagner la bataille du milieu, où Stéphane Mbia s’avèrera très utile dans l’impact, tout en limitant à zéro le nombre d’erreurs dans les zones de vérité.
Du côté milanais, on débarque à Marseille le « cul entre deux chaises ». Les hommes de Leonardo ont un statut à assumer, mais ils ont surtout « dans la tête des montagnes de questions », comme chantait le regretté Alain Bashung. Deuxième club le plus titré de l’épreuve, le Milan AC de Berlusconi n’a jamais douté au moment d’évoluer sous l’égide de l’UEFA. Mais son début de saison ressemble à un long chemin de croix, où chaque match est un supplice. Il faut dire qu’un été ravageur est passé par là. Les tifosis maudiront sans doute longtemps les euros sonnants et trébuchants de Florentino Pérez, l’homme qui leur a arraché Kaka. Orphelin de son stratège brésilien, et sans inspiration pour le remplacer malgré son soudain pouvoir d’achat, Milan tatonne dangereusement. 4 points en 3 matches de championnat, une déculottée mémorable à « domicile » face à l’Inter (0-4). Silvio Berlusconi n’avait quasiment jamais vécu pareil début de saison en 26 ans de propriété du Milan. Et son coach, le controversé Leonardo, semble déjà sur la sellette. Milan ne produit pas de jeu et semble à la merci de la moindre accélération de ses adversaires. Ce soir, si le bloc défensif ne devrait pas connaître de bouleversement, deux places semblent en balance. Le capitaine Gennaro Gattuso est incertain, malgré sa présence dans le groupe. S’il déclarait forfait, il devrait laisser sa place à Massimo Ambrosini. Voire à Clarence Seedorf, grand banni du début de saison, pour une option plus offensive. Devant, aux côtés de Ronaldinho et Pato, Huntelaar part avec les faveurs des pronostics ; mais le technicien brésilien hésiterait à relancer Inzaghi.
La pelouse du Vélodrome va ressentir tout le poids des trophées, ce soir, entre deux équipes, deux clubs, qui n’a d’égal à son glorieux palmarès que l’immense ferveur de son public. Si tout semble opposer ces deux cultures, les deux clubs se retrouvent dans le savoir-faire et l’ambition. Tous deux fondés en 1899, ils vivent et perdurent pour ces matchs-là. Ce soir, il n’y aura qu’un vainqueur. Mais gageons d’avance que le spectacle proposé sera à la hauteur du prestige des deux acteurs. Action !