Les grandes confrontations européennes marquent souvent de leur empreinte toute une saison. De façon positive : Milan en 92-93, Olympiakos deux ans plus tard ; ou négative : Benfica et la main de Vata, Bari et ses maudits pénos… En tout cas, ces matches éclipsent toujours les autres : qui se souvient du médiocre classement de Bordeaux, l’année où les Girondins atteignirent la finale de la Coupe de l’UEFA ?
L’OM se trouve ce soir dans le même cas de figure : du résultat de ce soir dépendra notre perception in fine du cru 2003-2004.
Un succès, et l’on évoquera l’âme retrouvée de l’OM, l’intelligence d’Anigo – qui aura su prendre la bonne décision en faisant de l’Europe sa priorité -, la justesse de son discours. Un échec, et l’on parlera de fiasco, des paris ratés du bon José, de son mauvais coaching et de la vacuité de ses propos.
Un succès, et nous autres supporters vibrerions comme aux temps les plus glorieux, rêvant d’un nouveau triomphe continental. Un échec, et il ne resterait guère que les rumeurs de transferts pour nourrir les discussions footballistiques d’ici la fin de la saison.
Car côté championnat, les carottes ne sont pas cuites, elles sont bouillies : l’OM a raté le coche samedi face à de très modestes – doux euphémisme ! – joueurs messins. Plus lénifiante qu’un dimanche chez Drucker, aussi animée qu’une séance non télévisée du Sénat, la dernière sortie des Olympiens fut au football ce qu’un film de Rohmer serait au cinéma d’action : » de l’ennui, encore de l’ennui, toujours de l’ennui ! » aurait dit Danton en semblables circonstances. La fin de saison risque malheureusement de ressembler comme deux gouttes d’eau au navrant spectacle offert ce jour-là : on voit mal la bataille (sic) pour l’Intertoto susciter un fol enthousiasme chez nos joueurs ou nos supporters… Les fumis devraient se faire rares pour les derniers matches de Ligue 1 : ce sera toujours ça d’économisé sur le budget amendes ! De quoi payer le salaire d’un Zambrella par exemple. A moins que…
A moins que ce soir quelque chose ne se passe. A moins que ce soir l’OM ne réalise l’exploit et transforme la triste fin de saison olympienne en un bouquet final(-e) de légende. Une version moderne et footballistique de la citrouille et du carrosse, en somme… Sauf que l’OM n’est pas Cendrillon, et ne pourra pas compter sur des sortilèges et des enchantements pour arriver à ses fins, mais plutôt sur la volonté et la rigueur défensive : un moment de relâchement, un but encaissé et l’on pourrait regretter longtemps les occasions manquées du match aller.
Les Marseillais auront donc ce soir l’opportunité de faire d’une pierre deux coups : en gagnant leur billet pour Göteborg, ils effaceraient en même temps l’affront de leur modeste classement en Ligue 1. D’une pierre deux coups pour le football français également, après le nouvel exploit des Monégasques hier soir en Ligue des Champions. Avoir un représentant dans chacune des deux finales continentales, ne serait-ce pas là une formidable illustration du retour au premier plan des clubs français ? Quoi qu’on pense des Monégasques, de leur appartenance à la France ou de leur légitimité footballistique par ailleurs : leur présence en finale montre bien la valeur d’un championnat dont ils ne sont pas maîtres. A Marseille de confirmer la tendance ce soir. En espérant que nos exploits présents fassent ricochet à l’avenir…