C’était une autre époque. Saint-Etienne et l’OM ont chacun leur tour tutoyé les sommets européens. La France s’est embrasée des dizaines de fois devant les exploits des Papin, Platini, Rocheteau ou Pelé. Un véritable tourbillon populaire. Ces deux clubs ont connu tous les honneurs du football. Ah, le bon vieux temps. Hélas, chaque apogée prépare une chute. Et, après avoir connu la gloire, difficile de se remettre d’une claque.
En 1976, les Verts ont conquis des millions de fans. Toute une génération ne jure que par eux. » Qui c’est les plus forts évidemment c’est les Verts « . Arrive la finale de la Coupe des Champions à Glasgow. Maudit stade, les poteaux carrés. Sacré coup du sort. Sainté ne parvient pas à conquérir l’Europe. Quinze ans plus tard, Marseille arrive à Munich fort de son expérience malheureuse deux ans plus tôt. Papin n’est plus là mais l’Europe s’émerveille devant la joie de Boli, le charisme de Deschamps ou la classe de Goethals. L’issue est heureuse. Mais le précipice est sans fond. VA-OM plonge le club phocéen dans le chaos. Depuis ces heures dorées à des périodes différentes, les deux plus grands clubs français cherchent à renaître. Ils se retrouvent ce samedi au Vélodrome. Et comme à chaque fois depuis le retour de l’ASSE en Ligue 1, il y aura un parfum de Nostalgie dans l’air de Provence. Cette saison aurait pût être celle de l’affrontement de haut de tableau entre les deux places fortes du foot français. L’OM a bouclé le précédent exercice à la troisième place, Saint-Etienne a fini européen. Mais, comme souvent, l’instabilité chronique a pris le pas sur le raisonnable. Si Marseille est dans les temps, l’ASSE marque le pas.
Dans le Forez, on avait pourtant de bonnes raisons d’y croire. Après vingt-sept ans sans fréquenter le haut du tableau du championnat, les Verts ont bouclé l’exercice 2007-2008 en se qualifiant pour la Coupe de l’UEFA. Une fin de saison remarquable les a propulsés du rêve dans la réalité. Le Chaudron allait retrouver les saveurs européennes endiablées. Mais, non. La fête est à nouveau gâchée. La faute à un début d’exercice complètement raté. Sainté marque le pas en ce début de saison. Le recrutement était pourtant ambitieux : Matsui, Matuidi, Mirallas… Gomis est resté. Feindouno est finalement le seul cadre notoire à avoir quitté le navire. Mais la mayonnaise ne prend pas. Laurent Roussey s’est bien vite rendu compte qu’il n’a pas la profondeur d’effectif pour évoluer sur tous les tableaux. Résultat, défaite sur défaite. Après onze journées, le déplacement à Marseille s’apparente déjà à une dernière chance. Les Verts flirtent avec la zone de relégation. Et comme par le passé, la joie de la saison dernière pourrait vite laisser place à un traumatisme plus profond si les joueurs ne prennent pas leurs responsabilités.
Du côté de l’OM, la période actuelle est difficile à caractériser. Flash-back. L’OM s’apprête à se déplacer à Eindhoven. Invaincu en Ligue 1 après neuf matchs, les Marseillais ont gagné à Valenciennes et se sont rapprochés de Lyon. L’ambition de titre est plus que jamais légitime. Un succès aux Pays-Bas peut du même coup renforcer la dynamique en les relançant en Ligue des Champions, après deux défaites initiales face à Liverpool et l’Atletico. Résultat, l’OM déjoue. La suite on la connaît. Défaite au PSV, face au PSG au Vélodrome – affront suprême dans une saison – et match nul à Nantes. En une semaine, l’OM a perdu beaucoup de confiance et de certitudes. Si on ne parle pas encore de crise, la colère des supporters n’est plus très loin. Il s’agit donc de battre Saint-Etienne pour relancer la machine et entrevoir de nouveau de belles perspectives. Mandanda est forfait, tout comme Niang. Mais, peu importe. Quand on est salarié à l’Olympique de Marseille, on a un maillot à défendre. Riou ou Samassa doivent être capable de le faire. Tout comme l’ensemble de leurs coéquipiers. Porter le maillot marseillais, c’est un privilège. Mais c’est aussi un devoir d’investissement. Cette année, l’ambition est d’aller au bout. Une défaite en onze matchs c’est encourageant. Le collectif doit donc repartir de l’avant et reprendre sa moisson de points. Le titre est au bout de la lutte.
Les temps ont changé. Les deux clubs vivent sur leur passé ou sur leurs projections futures, plus que sur leur présent peu réjouissant. » Les titres en Ligue 1 sont pour le voisin lyonnais » pourrait s’enrager un stéphanois. » Paris gagne des coupes malgré tout » déclarerait un marseillais réaliste. Mais le fatalisme ne fait pas partie du vocabulaire de ces deux peuples. Ce samedi, chaque équipe va se battre pour la gagne. Bien loin de Glasgow ou Munich, mais avec la même envie. Au fond de chacun d’entre eux bat le coeur de ses deux clubs. Et heureusement que le palmarès rappelle encore qu’il y a eu la gloire. Après celle-ci vient la désillusion. Mais, on peut s’en remettre. Un jour, peut-être.