OM-Zenit : vignes du Seigneur et vodka du Diable

Après les poignantes déclarations d’amour entre Diouf et Blayau, Diouf et Thiriez, Paris et Marseille, restons dans le registre du romantisme et de la tendresse : l’accolade à la russe, vous connaissez ? Dans les coutumes locales, il s’agit pour deux hommes de s’étreindre mutuellement et de s’embrasser sur la bouche en une virile effusion, […]

Après les poignantes déclarations d’amour entre Diouf et Blayau, Diouf et Thiriez, Paris et Marseille, restons dans le registre du romantisme et de la tendresse : l’accolade à la russe, vous connaissez ? Dans les coutumes locales, il s’agit pour deux hommes de s’étreindre mutuellement et de s’embrasser sur la bouche en une virile effusion, en tout bien tout honneur et honni soit qui mal y pense. Baiser de paix, signe d’intense et chaleureuse cordialité, traditionnellement échangé entre deux individus à l’haleine souvent chargée de vodka et de bons sentiments. Nul ne sait si les vingt-deux acteurs de ce 8ème de finale aller de la Coupe de l’UEFA exhaleront à trente mètres à la ronde des effluves de boisson fortement alcoolisée, mais pour les bons sentiments la réponse est connue d’avance : il n’y en aura pas. A ce stade de la compétition, quelle équipe pourrait se permettre de tomber dans l’affect et se livrer goulûment à de voluptueuses démonstrations linguo-labiales avec l’adversaire ? La perspective d’un échange de patins franco-russes à Marseille est donc hautement improbable, les seuls envisageables étant, à la rigueur, les patins à glace qui pourraient s’avérer nécessaires au match retour en cas de terrain gelé. De même, les seules pelles à prévoir sont celles qui serviront peut-être à désenneiger la pelouse du St Petrovsky Stadium le 16 mars. Et des pelles de ce genre, impossible d’en rouler à qui que ce soit.

Bref, loin d’une rencontre sensuelle bourrée d’affection et de coups à boire, on annonce plutôt pour ce match aller au Vélodrome un affrontement musclé, physique, avec des coups pour faire mal. Une rencontre du genre “Shoot to kill” bien plus que “Peace and Love”. Le Zenit Saint Petersbourg vient d’éliminer Rosenborg (victoire à l’aller comme au retour, 4-1 sur les deux matchs), formation qui ne passe pas pour spécialement portée sur l’esthétique et qui n’avait pas totalement démérité lors de la phase de poule de Ligue des Champions. Les Olympiens auront tout intérêt à prendre l’adversaire au sérieux et à se préparer à ce que tous les matchs européens sont désormais, à savoir : avant tout un combat. Mais justement, le combat, l’OM ne déteste pas, comme en témoigne la double confrontation avec Bolton dont les Marseillais sont sortis vainqueurs, avec un très joli  » fighting spirit  » à l’aller et une belle  » grinta  » au retour. Etre prêt au combat, se sentir les dépositaires du fighting spirit, posséder la grinta, avoir la gnac, la minot attitude : cette aptitude à se dépasser, à ne rien lâcher mais à tout donner, devra se manifester pendant quatre-vingt quinze minutes, car c’est là qu’aujourd’hui les joutes continentales se gagnent ou se perdent.

Mais il faudra aussi y ajouter, tout de même, une pincée de talent, un zeste d’adresse, un soupçon de savoir-faire. Saint Petersbourg, nom historique de la ville, s’appelait encore il y a peu de temps Leningrad, et au début du vingtième siècle Petrograd. On aura compris que les changements de nom se sont succédés au gré des changements de régime politique. Pour ce match, ce que les Marseillais devront imposer aux joueurs du Zenit, c’est aussi un changement de régime, mais de régime alimentaire : il y aura bien des caviars au menu, mais ils devront être délivrés par Ribery, Oruma ou Nasri, et ne seront pas destinés aux Russes, mais à Niang en priorité. On sait que l’avant-centre marseillais s’est montré, ces derniers temps, particulièrement expert en vendanges multiformes. Alors de grâce, qu’il s’abstienne cette fois-ci de dilapider inconsidérément le précieux produit des vignes phocéennes: quand le vin marseillais sera tiré, que ce soit l’OM qui s’en tapisse le gosier, et que de son côté l’adversaire se contente de prendre un bouillon ou de boire la tasse.

Avec pareil régime diététique, rien n’interdit d’envisager que l’historique cité des bords de la Neva change de nom une fois de plus, pour devenir cette fois Nasrigrad, Riberygrad ou Mamadougrad, peu importe, du moment que les Russes en prennent pour le leur, de grade. Joueurs marseillais, face au Zenit Saint Petersbourg, c’est pour vous le moment ou jamais de mettre en application le principe de fonctionnement des poupées russes, qui s’emboîtent les unes dans les autres : rentrez-leur dedans !