De retour dans l’élite, l’AS Monaco souhaite bousculer la hiérarchie établie depuis près d’une dizaine d’années et prendre chaque saison, une des 3 places dévolues habituellement aux autres grandes équipes françaises. Une aspiration légitime d’autant que le propriétaire du club, Dmitry Rybolovlev, met son argent dans l’opération. Le problème est que, contrairement au PSG des Qataris, Monaco bénéficie d’un régime fiscal qui exonère les joueurs étrangers d’impôts et de charges sociales (sachant que pour les français, les charges sont 20% moins importantes). Le président délégué du Montpellier Hérault, Laurent Nicollin, résume parfaitement les doutes émis par certains présidents : « si un joueur nous coûte 10, je veux aussi qu’il coûte 10 à Monaco. » Une idée de bon sens qui n’est que très peu appréciée par le milliardaire russe qui souhaite profiter à fond du libéralisme pour gagner le plus de titres en dépensant le moins.
Les menaces et le « baratin » de l’ASM
Le 21 mars dernier, le Conseil d’administration de la Ligue de football professionnel décidait à l’unanimité d’obliger toute équipe évoluant dans le championnat de France à avoir son siège en France à compter de juin 2014. Une décision tardive qui cible bien évidemment le seul club qui déroge à la fiscalité français : l’ASM. Après avoir éconduit la proposition stupide de la FFF de faire payer 200 millions d’euros à Rybolovlev ce qui n’aurait réglé aucun problème, Monaco a décidé de porter l’affaire devant le Conseil d’Etat. L’ASM risque de gagner sur le plan juridique mais peut-elle gagner sur le terrain moral face à la fronde des présidents dont certains sont même prêts au boycott ? Pas certain. Monaco fait craindre un départ possible vers la Serie A mais les Italiens seraient-il heureux d’accueillir un club qui n’est pas sur un pied d’égalité avec les autres ? Pas certain non plus. « La Cour de justice de la Communauté européenne et le traité de Rome stipulent que des sociétés ont le droit de s’établir dans n’importe quel pays en Europe, et ce, même si c’est pour des raisons fiscales » explique l’ASM. Sans vouloir une justice fiscale, Monaco s’en remet à la justice française. Attention tout de même au retour de bâton. Toute décision favorable à Monaco entrainerait un possible exil du PSG à Jersey, de Bordeaux à Andorre, de l’OM à Malte ou de Lyon au Luxembourg. L’Etat Français y aurait beaucoup à perdre et le football hexagonal aussi.
Des présidents de club très remontés
Si cette décision du 21 mars a été prise à l’unanimité, c’est donc qu’une grande partie des présidents de club souhaitent une équité fiscale pour tous les clubs jouant dans les championnats de France. Un souhait légitime et de bon sens à l’heure où on vilipende partout en occident l’optimisation fiscale quand ce n’est pas carrément l’évasion fiscale.
Louis Nicollin (Montpellier) : « je trouverais logique que Monaco lutte à armes égales avec nous sur le plan fiscal. Je ne veux pas qu’on me donne des sous de Monaco et on ne m’achètera pas en me donnant quoi que ce soit, réagit-il. Je veux juste que Monaco paie les mêmes charges, (…) que Monaco lutte avec les mêmes armes. »
Loïc Féry (Lorient) : « On veut que l’ASM ait son siège social en France pour que les joueurs paient les mêmes impôts, sinon, nous serons dans une situation de concurrence déloyale. »
Michel Seydoux (Lille) : « C’est une question d’ordre éthique et moral. Il est inacceptable que la distorsion économique et fiscale en faveur de l’AS Monaco perdure, au moment même où l’on demande des efforts à tout le monde. »
Vincent Labrune (Marseille) : « On veut consolider notre place avec une concurrence accrue et l’arrivée d’un club étranger en Ligue 1. On ne va pas faire de folies car on ne peut pas se battre contre les Russes de Monaco et le PSG. »
Jean-Pierre Louvel (Le Havre) : « Si on ne trouve pas de solutions, on sera amené à exclure Monaco. C’est l’une des dernières extrémités mais c’est une possibilité. Comme celle préconisée par certains présidents de club de ne pas jouer contre le club monégasque ou de déclarer forfait contre lui. »
Frédéric Thiriez (président LFP) : « Monaco a toute sa place dans le football français et naturellement au plus haut niveau. Il est donc d’autant plus nécessaire aujourd’hui que l’AS Monaco se conforme aux règles françaises, notamment sur le plan fiscal, afin que l’équité du championnat soit préservée. »
Il n’y a donc que Jean-Michel Aulas (OL) pour défendre l’ASM. Il est vrai que la situation financière de son club l’oblige à être gentil et complaisant avec tous les potentiels acheteurs.
Le statu quo malsain que les Monégasques réclament
Si les gens ne cessent de dire que la France doit se réformer, qu’il faut changer l’ordre établi, pour les fans de Monaco il faut surtout tout laisser en l’état. Il faut dire que pour un régime princier, l’usage n’est pas de prôner le changement surtout quand on en profite et alors même que l’on est dans le collimateur de l’Europe (avec le Luxembourg, Andorre, …) au sujet du secret bancaire. L’argument principal des opposants est de dire que cela ne gênait personne avant. Partant de ce principe, fallait-il donc ne pas abolir la peine de mort sous prétexte qu’avant elle était utilisée. Fallait-il ne pas faire la 5ème république sous prétexte que la 4ème, la 3ème, la 2ème et la 1ère existaient. Cet argument est évidemment stupide puisque le monde change et les lois doivent changer au même rythme. Sur FootMarseille voilà 10 ans que nous ne cessons d’ailleurs de répéter que l’AS Monaco ne vit que grâce à ces avantages fiscaux et aurait le palmarès de La Bédoule Plage s’il n’avait pas eu cet avantage indu.
Deux choix s’offrent au milliardaire russe : soit mettre son siège en France, soit faire un championnat avec Andorre, le Luxembourg, Guernesey, le Lichtenstein, Jersey, etc … Très critiqué sur internet pour ce terme peut-être maladroit (mais au fond tellement vrai) de « club étranger », Vincent Labrune a cependant déclaré ce que beaucoup pensent tout bas.