A Marseille, depuis quelques années, en période estivale, c’est le grand poker menteur. Président après président, de Roussier à Bouchet, en passant par Marchand ou Ceccaldi, sous l’oeil complice de RLD, les dirigeants promettent monts et merveilles. Des discours aguicheurs, des ambitions démesurées… Pour pas grand chose dix mois plus tard. Chaque année le même refrain : » on va miser sur la stabilité « . A l’arrivée, point d’économies d’argent, point d’économies de flashes pour les présentations officielles ou d’encre pour les signatures en bas des contrats. L’histoire bégaie d’année en année. Sans jamais changer. Et malheureusement : point de titre depuis 1993 et la fameuse soirée du 26 mai où Boli avait rangé ses larmes italiennes pour une joie monumentale dans la furia munichoise. Les entraîneurs se succèdent à un rythme effréné, les caisses du club se vident aussi vite qu’elles se remplissent et les joueurs se prennent pour des intermittents du spectacle. Mais d’où vient ce mal récurrent de toujours tout vouloir bouleverser ? Bien souvent les ambitions personnelles de certains dirigeants ont desservi le club. Une soif de pouvoir qui s’est souvent retournée contre eux pour, à l’arrivée, ne retrouver qu’une seule victime, et toujours la même : l’OM et ses supporters. L’OM vit au rythme de ce » va et vient » incessant, de son instabilité chronique et de la passion de ses supporters. Car eux seront toujours là, quoi qu’il arrive.
Mais ce club tumultueux semble enfin vouloir tirer les leçons de ses erreurs passées. On semble revenir à la sagesse. Le comble c’est que ce retour à la normale semble s’inspirer de la réussite lyonnaise, emmenée par son grand manitou Jean-Michel Aulas, qui, paradoxe, a tout appris d’un certain … Bernard Tapie, dernier président phocéen à avoir connu le succès mais qui fut violemment décroché de son piédestal quand sa culpabilité dans l’affaire VA-OM fut mise à jour.
Pourtant tout ne fut pas facile pour cet OM new look. Le président, Pape Diouf, en poste depuis le printemps 2005, et son fidèle serviteur, José Anigo, avaient d’emblée martelé la cultissime phrase qu’on croirait sortie d’un chef d’oeuvre cinématographique : » cet été sera celui de la stabilité « . Pour un remake, on n’aurait pas trouvé mieux. À part que cette fois-ci, point d’acteur en pleine action, juste deux hommes aux convictions si fortes et profondes qu’on jurerait qu’ils sont prêts à périr pour leur club. Pourtant, d’entrée, un homme faillit les faire mentir. Jean Fernandez, entraîneur depuis un an, décida de quitter le navire pour aller humer l’air de la Bourgogne, après avoir été ouvertement dragué par le très discret Guy Roux. Alors parler de stabilité alors que son coach vient de démissionner, c’est un peu gros. Mais nos deux protagonistes ne se laissèrent pas impressionner. Après un mois de recherches très poussées, ils prirent le risque tout autant poussé de lancer dans le grand bain Albert Emon, jusqu’ici spécialiste des intérims et accessoirement adjoint de ces prédécesseurs. Mais l’auto sabordage n’allait pas s’arrêter là. Dans un élan soudain d’affection pour ses néo-partenaires rhodaniens de sélection, Franck Ribéry, avec le soutien de Bruno Heidersheld alias » Picsou » et là aussi accessoirement avocat du pré-cité, décida de claquer la porte olympienne pour assouvir les fantasmes aulassiens. Ce fut la grand polémique de notre été, encore plus fort que » Le Maître du Zodiaque « , » Terre Indigo » et » Le Bleu de l’Océan » réunis. Un suspense à couper le souffle, des acteurs s’entretuant à coup de phrases assassines, des règlements de compte en veux-tu en voilà, des revirements de situation à désarçonner une girouette, et un agent à bout de souffle réclamant son dû à tue tête. Bref du grand n’importe quoi. Et à l’arrivée beaucoup de bruit pour pas grand chose. Aulas n’aura pas son » sex toy » et Diouf tiendra une nouvelle fois ses engagements, lui qui avait déclaré » je ne serai pas le président qui validera le départ de Ribéry « . Vous l’aurez compris, le chouchou 2006 du Vélodrome a pris tout le monde à contre pied et a finalement décidé de rester à bon port … ou plutôt sur le Vieux Port. Personne ne sait finalement pourquoi, lui non plus certainement. Mais personne ne s’en plaindra.
Mais, pour revenir à l’essentiel, et malgré ces quelques agitations sans conséquences, Marseille aura finalement vécu l’été que tout le monde espérait. Un peu d’agitation, c’était écrit et franchement, sans, cela aurait été moins marrant, mais finalement un changement radical avec le passé. Point de départs de joueurs cadres, quelques arrivées bien ciblées (Zubar, Cissé, Valbuena, M’Bami) et un entraîneur qui peut enfin travailler en toute quiétude. Sans la mer et le tumulte du Vélodrome, pour un peu, on se croierait à Troyes. Mais ce sentiment de sagesse et de quiétude a du bon. Et des vertus sur nos joueurs. Après quatre journées enthousiasmantes de Ligue 1, l’OM se retrouve en haut de la page. Pas des faits divers. On aura bien parlé du lien présumé avec la mafia, de l’orage qui gronde au dessus du club, mais ce n’est rien. Les pseudo journalistes doivent bien arrondir leur fin de mois. Non, non, cette fois-ci l’OM brille de mille feux du côté du terrain. Le procès de RLD et des comptes du club semble bien loin, l’OM squatte les sommets et se rachète peu à peu une image. Et il faut bien l’avouer, ça a du bon quand » été » rime avec » stabilité « . Comme une promesse de lendemains heureux au boulevard Michelet, après un mois de compétition, l’OM étonne par son invincibilité et redonne de la fierté à des milliers de Marseillais…