Il est des victoires qui inquiètent plus que des défaites. La dernière sortie des olympiens devant leur public est à ranger dans cette catégorie : sans le concours de la chance et un Barthez version 98, obtenir les trois points de la victoire aurait relevé d’un miracle. Pas de jeu, une défense friable, un milieu absent et une attaque déboussolée : la rencontre de samedi dernier avait un parfum de déjà vu du côté du Vél’. Le parfum de cinq années d’ennui et de frustration pour tout le peuple marseillais, sevré de spectacle depuis l’époque Courbis et ses cohortes de stars….
Les stars sont là, pourtant. L’OM de cette année est indéniablement mieux loti que sa devancière en termes de talent pur : Barthez, Déhu, Pedretti, Costa ou encore Luyindula sont parmi les meilleurs à leur poste en Ligue 1 ; quant à Lizarazu et Cheyrou, il s’agit d’internationaux, eux aussi parmi les meilleurs français à leur poste. Or, tandis que d’autres clubs semblent avoir trouvé la pierre philosophale, tel Lyon transformant un Wiltord plombé par les ans en attaquant 24 carats, l’OM s’est spécialisé – à l’image de son rival parisien – dans l’opération inverse. Le lumineux Pedretti de Sochaux est devenu un joueur bien terne, ni récupérateur ni vraiment relayeur ; le viril Costa de Bordeaux impressionne désormais autant ses adversaires qu’un coiffeur-visagiste lâché dans un camp de talibans ; quant à l’excellent Luyindula, il peine à retrouver son rendement rhodanien.
Autant de défaillances, individuelles et collectives, qui expliquent la grogne actuelle des supporters marseillais. Une grogne qui serait plutôt légitime si elle s’en tenait aux simples considérations sportives. Or, à lire les banderoles du Vél’, on peut se demander si les piètres performances de l’équipe ne sont pas le prétexte plutôt que la cause à ce mouvement de contestation. En effet, les principales revendications concernent d’abord les membres du groupe dirigeant, qui ne sont pas à proprement parler directement responsables du domaine sportif. Si Vahid était Marseillais, nul doute qu’il serait pris de nausées en lisant les attaques destinées au président » fantomatique » de l’OM… Etrange reconnaissance des supporters envers le fantôme qui valait un milliard.
Bref, il paraît évident que tout le tintamarre actuel n’est qu’une mascarade, dont l’enjeu réel est la rivalité structurelle qui, depuis l’après-Tapie, oppose l’équipe dirigeante à des groupes de supporters dirigés par des hommes qui semblent obéir à d’autres logiques qu’au simple soutien de leur club, comme cela se fait partout ailleurs. En effet, quiconque a une connaissance minimale du football sait qu’une équipe, à quelque niveau que ce soit, a besoin de deux choses pour obtenir un bon rendement : individuellement, de la confiance (surtout dans l’environnement marseillais), et collectivement, du vécu et des automatismes. C’est-à-dire des caractéristiques requérant un minimum de temps et d’indulgence. Or, en sifflant nos joueurs même quand ils gagnent, et en remettant tout en cause au bout de six matches, les supporters ne font qu’aggraver la situation de l’OM, en privant l’équipe de la confiance et du temps nécessaires à son épanouissement, retardant voire empêchant sa maturation.
Mais comme les supporters ne changeront pas de sitôt, notre équipe devra, comme toujours, faire avec ce contexte particulièrement défavorable et handicapant. Les chefs des groupes de supporters ne pouvant prétexter que des résultats sportifs pour contester la direction (la gestion du club n’ayant en effet jamais été aussi bonne), le seul moyen de leur couper l’herbe sous le pied est encore de leur répondre sur le terrain. Or le déplacement à Rennes n’arrive pas au meilleur moment : l’équipe bretonne, menée par les Frei, Monterrubio, Källstrom et Isaksson, possède une force de frappe redoutable qui risque bien de faire tourner en bourrique notre défense maladroite, encore privée – et sans doute pour encore longtemps – du précieux Frédéric Déhu.
Mais il est pourtant des raisons d’espérer : la reconduction du 4-4-2 va peut-être permettre aux milieux de couloir de mieux trouver leur place ; et à Pedretti et Costa (s’il est aligné) de peaufiner leur répartition des tâches. Si l’attaque est d’abord tributaire du rendement des milieux, notons que la principale incertitude du match sera la capacité de la charnière centrale à élever son niveau de jeu, par des placements plus judicieux et par des relances plus propres, qui rendraient possible en amont une meilleure construction.
En définitive, une victoire relèverait, au vu du contexte actuel, d’un mini-exploit. L’exploit, voilà le prix des trois points et – surtout ! – du calme et de la sérénité. Donc, s’il vous plaît, messieurs les olympiens, faites-les taire ! Et si vous ne le faites pas pour vous, faites le pour nous…