A l’orée de cette belle saison, le dossier du Stade Vélodrome empoisonne la vie des dirigeants olympiens. Le loyer faramineux demandé par la mairie pour l’utilisation de l’enceinte étoufferait les finances du club, si bien qu’ils envisagent aujourd’hui de délocaliser les matchs à Montpellier ou dans quelques autres villes voisines. Cette situation résulte d’une succession de décisions assez hallucinantes de la part de la mairie phocéenne. Une petite rétrospective ne fait pas de mal.
Le fiasco 1998
Après le mondial remporté par l’équipe de France, rares sont les supporters qui n’ont pas regretté le Stade Vélodrome dans sa version 1984. L’enceinte a certainement connu ses plus belles ambiances dans cette configuration. Malgré tout, les nouvelles réglementations de la FIFA ont rendu obligatoire les places assises et donc les modifications en vue du Mondial français. Tout s’est gâté lorsque la mairie a opté pour un projet se révélant obsolète et inadapté. Les travaux ont nécessité un investissement de 392 millions de francs, assumé à hauteur de 220 millions par la ville de Marseille. Si Jean-Claude Gaudin a fanfaronné lors de son inauguration, c’est bien une enceinte primitive qui a vu le jour. L’absence de toit a notamment été reprochée dans les mois qui ont suivi. Le Maire s’est depuis justifié : « on aurait pu le couvrir en 1995 mais j’ai poursuivi le processus engagé par mon prédécesseur. A ce moment-là, la couverture n’était pas prévue et aucun patron du football ne nous avait dit de le faire. » Co-présidents de la compétition, Fernand Sastre et Michel Platini ne se souciaient alors pas vraiment de ce type de détails. La priorité résidait dans le fait que le stade puisse accueillir 60 000 spectateurs assis lors de la demi-finale de la Coupe du Monde qui se jouait au mois de juin. Nous savons aujourd’hui qu’un choix différent aurait certainement permis d’économiser quelques centaine de millions d’euros.
Le coût phénoménal des travaux pour 2016
Pour financer ce nouveau chantier, la mairie phocéenne a opté pour un partenariat public-privé. Ces dispositifs très à la mode ont été très décriés par Bercy fin 2012 et taxés par certains de « bombe à retardement ». Car ces délégations, très favorables aux grosses entreprises du BTP, sont surtout très onéreuses pour ceux qui les utilisent. Selon les chiffres révélés par France Football le 30 avril 2013, le coût des travaux du Vélodrome, tout d’abord estimé dans une fourchette de 120 à 160 millions d’euros, a été réévalué à 267,5 millions d’euros lors du réajustement du cahier des clauses techniques particulières. 28 millions d’euros ont été pris en charge par l’Etat, 30 par le Conseil Général, 20 par la Communauté Urbaine, 10 par le conseil régional et 47 par la ville, cette dernière devant aussi assumer les 30 millions de droits à bâtir autour du stade. Les 100 millions d’euros restant (environ) ont été avancés par le consortium Arema, lequel recevra en échange 31 annuités de 23,5 millions d’euros (ce qui correspond à 728,5 millions d’euros). Dieu merci, cette redevance comprend « les frais de fonctionnement, l’amortissement des investissements, l’entretien et la maintenance », comme l’a précisé le président du consortium Bruno Botella à l’hebdomadaire. Cette somme sera récupérée à hauteur de 12 millions d’euros via l’exploitation du site et au naming. La mairie devra quant-à-elle verser 11,5 millions tous les ans : elle compte sur une partie des revenus liés au naming pour la financer à hauteur de 2 millions d’euros. Le manque, 8 millions d’euros est pour la pomme de l’OM. Du moins c’est ce que Jean-Claude Gaudin espère.
L’OM prêt à quitter le Vélodrome
D’ici 2045, le Vélodrome aura donc couté plus de 893 millions d’euros. La belle affaire ! Et l’OM aura mis de sa poche 248 millions s’il s’en tient au loyer défini par le conseil municipal. A titre de comparaison, l’Allianz Arena de Munich et le Stade de France sont sortis de terre pour 360 millions d’euros. Avec un tel montant, le club pourrait financer la construction d’un nouveau stade dont il serait propriétaire. Philippe Perez avait en tout cas prévenu dès l’année passée, alors que les premières fuites concernant le montant annuel exigé par la mairie après les travaux arrivaient à ses oreilles : « jamais on ne paiera une telle somme. Jamais, c’est clair ! (…) Nous sommes les victimes expiatoires d’une décision pour laquelle nous n’avons pas été consultés ! Cette rénovation résulte d’une volonté politique d’avoir un stade de 67 000 places, ce n’est pas la volonté de l’OM ! » Compte tenu de la mise en place de la taxe à 75%, du retrait du DIC, de la perte de revenus liée aux travaux dans l’enceinte ces trois dernières années (au moins 30 millions d’euros, somme absolument pas compensée par la diminution du loyer par la mairie de 1,5 millions à 50 000 euros) et de ses mauvais résultats sportifs, le club ne peut pas supporter une augmentation aussi importante de ses dépenses. D’autant que les futures « recettes matchs » évaluées par la mairie à hauteur de 36 millions ne sont évidemment pas très réalistes.
Plutôt que d’anéantir les ambitions de l’OM pour les trente ans à venir, les dirigeants cherchent donc une solution loin de Marseille, avec l’approbation de la propriétaire Margarita Louis-Dreyfus.
Cela ne fait déjà pas de doute, ce chantier sera un gouffre pour la ville de Marseille. Compte tenu de la redevance annuelle qu’il s’apprête à percevoir, on comprend d’ailleurs mieux pourquoi le consortium Arema peut se permettre de créer un site web pour communiquer sur l’avancée des travaux. Mais à quoi sert d’avoir un stade cinq étoiles si c’est pour y faire jouer des joueurs de Ligue 2 ? Jean-Claude Gaudin et ses conseillers ont manqué de discernement en négociant avec Bouygues sans au préalable s’être renseignés sur les moyens du club de MLD. Et si certains de ses conseillers demandent une augmentation des tarifs en virages, il y a fort à parier que cette solution n’aurait pour effet que de continuer à vider le stade et donc de rapidement diminuer les revenus de merchandising de l’OM.
La ville et le club sont aujourd’hui dans l’impasse. Qui règlera la facture ?