Appliquée dès 2014, la taxe à 75% est l’objet d’une forte polémique. Pour Vincent Labrune, qui s’est exprimé sur le site officiel phocéen, « elle est un non-sens économique absolu puisqu’elle aboutit au contraire de l’effet recherché ». D’après-lui, « on ponctionne fiscalement, et rétroactivement des entreprises qui sont à l’agonie financièrement en leur faisant payer l’impôt de leurs salariés les mieux rémunérés » ! Il la qualifie donc d’ « ubuesque ». Quelques points méritent bien un éclaircissement.
La France déteste-t-elle le football ?
Ce n’est pas le sentiment qu’on avait entre 1998 et 2000. A cette époque là, ministres et people, pour autant qu’on arrive à les distinguer, s’affichaient volontiers avec le maillot des Bleus. La Ligue 1 avait quant à elle gagné 6 000 spectateurs en moyenne par match suite à la rénovation des stades pour le mondial. Cela ne lui a pas pour autant permis de rattraper les championnats étrangers ou de mieux figurer sur la scène européenne, néanmoins l’image du football était donc plutôt positive. Depuis, les Evra, Ribéry and Co sont passés par là et certaines élites intellectuelles ont détourné leur attention de l’équipe de France et plus généralement du football. Face à la misère qui touche de nombreux foyers en ces temps de crise, il peut sembler indécent à première vue de défendre ces PME qui achètent à coups de millions d’euros des joueurs roulant dans des Maserati. Pourtant, la surenchère dont est objet le football résulte de son succès et son argent est privé, au contraire (par exemple) d’une grosse partie de celui du cinéma hexagonal. D’après une étude du Figaro datant du 23 août 2013, un footballeur de Ligue 1 représente 480 000 euros de salaire moyen par an, 322 000 euros de cotisations, 4,6 millions d’euros pour les entreprises de la filière, 23 emplois et 10 grandes causes de solidarité. Selon le quotidien, le football a un impact économique de 3,8 millards d’euros et génère 20 000 emplois.
La L1 rivalise tout juste avec la D3 anglaise
Au début des années 1990, le football anglais, privé de coupes d’Europe pendant cinq ans, était au plus bas. Les moyens économiques de ses clubs ne leur permettaient notamment pas de rivaliser avec les meilleurs de Division 1 (ex-Ligue 1). En collaboration avec le gouvernement, lequel a favorisé l’optimisation fiscale, les dirigeants du football d’outre-Manche mettaient alors tout en oeuvre pour redresser leur économie. 23 ans plus tard, le rapport de force est plus qu’inversé. Selon le Guardian, lors de la saison 2011-2012 les clubs anglais de Premier League ont versé 1,9 millard d’euros de salaire à leur joueur (soit 95 millions d’euros par club). Lors de la même période, la masse salariale chargée des 20 clubs de l’élite française a été de 846 millions d’euros (chiffres de la DNCG)… Le gouvernement anglais considère que son championnat est un moteur pour son pays, ce qui n’est pas le cas chez nous. En dehors des situations spécifiques du Paris-SG et de Monaco et avant la mise en place de la taxe à 75%, les clubs français ne sont même plus en mesure de rivaliser, en terme de salaires, avec la seconde, voire la troisième division anglaise : l’OM a été incapable de retenir Joey Barton qui, sans être un joueur de premier plan, bénéficie d’une rémunération trop élevée aux Queens Park Rangers (320 000 euros bruts mensuels). Quant à Bakary Sako, qui évolue à Wolverhampton et que l’OM suivait l’été dernier, il toucherait plus de 200 000 euros bruts par mois en D3 anglaise…
L’OM va perdre beaucoup et le contribuable certainement aussi…
Le football français ne s’est toujours pas remis de l’arrêt Bosman. Après son application en 1996, il a subi l’exode de ses meilleurs joueurs vers l’Italie, l’Espagne et l’Angleterre. Aujourd’hui encore, les meilleurs joueurs de nationalité française évoluent à l’étranger. Aussi, la suppression du DIC, en 2009, était déjà un effort des clubs pour faire face à la crise nationale. Pour rappel, sans leur permettre de lutter à armes égales avec leurs concurrents européens, le droit à l’image collective permettait aux clubs d’être exonérés de charge sociales sur 30% des revenus qu’ils versaient à leurs joueurs et d’améliorer un poil leur compétitivité. La mise en place de la taxe à 75% continuera de creuser l’écart entre la Ligue 1 et ses voisins. L’impact sur l’OM devrait être de l’ordre de 6,5 millions d’euros (5% de son chiffre d’affaire). Pour y faire face, les dirigeants olympiens, comme leurs adversaires de Ligue 1, devront donc se séparer d’un ou plusieurs gros salaires (Gignac ?). Ces derniers, plutôt que de payer leurs impôts en France, le feront donc en Angleterre. L’état sera-t-il réellement gagnant de la mise en place de cette taxe ? Eric Di Meco, qui s’est exprimé sur le sujet dans le Moscato Show, est notamment persuadé du contraire. Mais on a décidé que le football, vilain petit canard, morflerait, alors il morflera, même si cela défit toute logique économique.
Pas concernés par la taxe, deux clubs professionnels, le Mans et Sedan ont pourtant déposé le bilan cette année. Cela atteste des difficultés éprouvées par les clubs de football pour boucler les budgets. Au regard des prestations des dernières saisons, l’OM et les clubs de L1 n’ont en tout cas pas besoin d’un impôt supplémentaire pour être complètement hors course dans les compétitions européennes et sur le marché des transferts. La mise en place de cette taxe à 75% devrait créer un nouvel exode et creuser encore un peu plus l’écart avec les écuries étrangères. A n’en pas douter, le PSG, qui n’est pas à 20 millions d’euros près, et Monaco, qui n’est pas concerné par la fiscalité française, n’auront pas beaucoup de concurrence en championnat dans les années à venir. Quant à l’intérêt pécunier de cette mesure pour l’état, il reste clairement à démontrer. Sous prétexte qu’il est impopulaire et ne dispose pas de beaucoup de solutions pour se défendre, le football sera-t-il le dindon de la farce ?