Je m’étais promis de ne pas m’énerver, de rester zen, quoi qu’il arrive. Il faut croire que je m’attendais au pire. J’étais sans doute un peu victime, comme nous le sommes tous, du matraquage médiatique qui s’abat régulièrement depuis les hautes sphères journalistiques parisiennes sur nos humbles têtes courbées : « l’OM est en surrégime, gnangan, nous n’avons affronté que des équipes plus faibles -excepté le Zlatan Football Club, of course-, gnangan, nous n’avons pas l’effectif, gnangan, nous nous voyons trop beaux, gnangan, etc… » Et puis, quelque part, çà pue le piège : nous jouons contre les derniers de la Ligue 1, ils ont plein de blessés et de suspendus, nous connaissons tous les autres résultats avant notre match. Bref, tous les ingrédients sont réunis pour une soirée agitée, ponctuée des commentaires nauséabonds des habituels consultants (qu’on peut écrire en deux mots).
Première mi-temps : 45 minutes pour rien ?
Dans son souci de limiter la casse, Troyes nous concède d’entrée les couloirs, et concentre ses efforts défensifs dans l’axe. Mais nos latéraux montent au petit trot, sans vraie percussion. La faute à leurs propres lacunes technico-tactiques, mais aussi à nos milieux offensifs qui encombrent les couloirs, et même à Gignac qui dézone sur les côtés où il flaire des espaces qu’il n’a pas dans l’axe.
D’où une succession de tentatives brouillonnes, de jeu en triangle qui ralentit notre approche du but adverse, de redoublements de passes inutiles. Plus grave, plus affligeante : une succession invraisemblable de centres approximatifs, contrés, ou simplement balancés à l’aveuglette vers le troisième, quatrième ou cinquième poteau.
Petit à petit, les minutes passent. Valbuena se démène comme un beau diable, mais ses efforts louables le font paraître encore plus esseulé. Les passes ratées se succèdent, les insuffisances de notre doublette Kaboré-Cheyrou deviennent criantes. Parenthèse : pourquoi choisir de jouer avec deux milieux défensifs et un seul attaquant contre l’équipe la plus faible de L1 ? Allo, Elie ?
Gignac se blesse. Tout seul. Il saute, et retombe lourdement. Les images au ralenti deviennent vite accablantes : Gignac ne tombe pas lourdement, il s’effondre avec lourdeur. Il existe un rapport entre la solidité du squelette, et le poids qu’il supporte. Chez Gignac, le compteur qui mesure ce rapport est dans le rouge, d’où l’accumulation de blessures de ces dernières saisons. Le pluriel est important.
Mi-temps. Déclarations routinières de joueurs en mode langue de bois. Quarante-cinq minutes pour rien ? Non : quarante-cinq minutes pour redonner confiance à Troyes. Le pire se précise.
Deuxième mi-temps : une poitrine, Nivet et des mouchoirs
Retour des vestiaires. Troyes fait rentrer Nivet. Le seul joueur de l’ESTAC dont je connaisse le nom avant le coup d’envoi. Je connais aussi le nom de Thuram, mais c’est pas le même. Le dit Nivet se signale rapidement par une tête en forme de boulet de canon qui secoue notre barre transversale. Deux constatations s’imposent : la tête de Nivet est consécutive à un corner, ce qui montre bien que Troyes ne se contente plus de limiter la casse, et Kaboré était au marquage. Une troisième constatation dans la foulée, mais qui reviendra nous hanter : Mandanda sans réaction.
Rémy rame, Valbuena fatigue. Cheyrou, métronome imperturbable, enchaîne les passes ratées et les corners à ras de terre. Amalfitano, qui n’aura servi à rien, sort, remplacé par Jordan dont on se demande bien pourquoi il n’a pas commencé le match. Allo, Elie ? Kaboré met une mine qui aurait pu faire mouche. Rémy rate une tête à bout portant qui aurait dû faire mouche. Les minutes passent. Il n’est plus question d’une disproportion des forces en présence. Il ne reste que deux équipes médiocres qui cherchent le KO dans les dernières minutes.
Rémy se fait balancer dans la surface. Le jeu continue. Les pleureuses sortent les mouchoirs. La rentrée de Mendes pour Morel serait anecdotique si elle ne posait la question : pourquoi pas un attaquant supplémentaire pour tenter de renverser la tendance ? Allo, Elie ?
Situation confuse sur notre but, un premier tir rebondit sur la poitrine de Mandanda. Stop. Arrêt sur l’image. Je ne me souviens pas d’avoir vu un tir rebondir sur la poitrine d’un gardien qui n’avait pas le réflexe de mettre les mains. Le ballon revient en jeu. Nivet, libre encore de tout marquage, contrôle, se retourne et marque.
Plus tard, il sera établi qu’il revenait d’une position de HJ. Les pleureuses ressortiront les mouchoirs.
Il reste quelques minutes. Nous ne sommes pas capables d’emballer le jeu, nous ne sommes même pas capables d’accélérer le jeu. Un dernier CPA. Elie demande à Mandanda de monter. C’est sa première prise de risque. Trop tard. Fin du match.
La tristesse s’installe. Je n’ai même pas envie de me projeter sur notre futur. Nous avons perdu le match, et la première place que nous cédons à Paris. Nous avons pris 1 point en trois matchs. Nous avons perdu notre attaquant le plus prolifique pour plusieurs mois. Nous allons devoir le remplacer par un joueur dont notre président a regretté par voie de presse parisienne de ne pas avoir réussi à le vendre. Nous avons perdu contre l’équipe la plus faible de notre championnat. Notre effectif était au complet, le leur était décimé. Nous n’avons pas su gagner. Le pire est arrivé. Ou est-il encore à venir ?