Lors du match aller de Coupe de l’UEFA OM-Zenit Saint Petersbourg, les spectateurs présents au Vélodrome ont pu voir à l’entrée des joueurs un déploiement de banderoles virage Sud, et lire notamment, parmi d’autres slogans de la même veine : » 11 minots renversent le foot français « , » PSG et LFP les Guignols de Canal « , » Respect à nos dirigeants « . Au-delà du sympathique et mérité témoignage d’admiration et de gratitude envers les minots, ces banderoles étaient également un signe de l’union sacrée qui s’est reformée autour du club le temps de la passe d’armes déclenchée par Pape Diouf. L’unité reformée derrière le club est toujours bonne à prendre, et il y a tout lieu d’affirmer que le club et ses supporters n’ont absolument aucun regret à formuler, aucune excuse à présenter, aucun acte de contrition à réciter. Mais sous ce replâtrage de façade apparaissent des lézardes et des fissures qui ne laissent rien augurer de bon pour l’avenir du club. La pitoyable qualité du match (et le profond ennui qu’il générait) étant propice à la réflexion, le spectateur-supporter a eu tout loisir d’observer, d’écouter, et de tenter d’interpréter les signes dont il était environné :
1. Pour un 8ème de finale de compétition européenne, le Vélodrome était à peine rempli aux deux tiers, soit environ 40 000 personnes. Rien d’étonnant à cela : pour les matchs ne relevant pas des abonnements, les tarifs sont très élevés et s’avèrent prohibitifs pour beaucoup de bourses. On n’évoquera même pas la politique tarifaire scandaleuse pratiquée par le club pour les places de matchs de championnat hors abonnement (exemple : 50 &euro pour un OM-ASSE en Ganay, dans le vent et le froid, pour un spectacle dont la qualité est tout sauf garantie, de quoi aller 7 ou 8 fois au cinéma bien au chaud voir un film dont on peut, à la différence du match, choisir le metteur en scène….). Dans le même ordre d’idées, les statisticiens attentifs auront noté la baisse sensible du nombre d’abonnés, passés en un an d’environ 45 000 à environ 40 000. Le soutien au club est de moins en moins imperméable à la notion de rapport qualité-prix des matchs proposés.
2. Le public semble gagné par l’usure et la lassitude. Les animateurs des groupes (outre qu’ils chantent faux !) ressassent perpétuellement les mêmes vieilles chansons devenues sans objet ( » Nous sommes champions d’Europe nous les Marseillais… « ), reliques dérisoires d’un passé à la fois trouble et glorieux, traces archéologiques d’une époque révolue. Par ailleurs les capos des groupes de supporters semblent désormais incapables d’autre chose que d’attiser les haines et les rancoeurs (apostrophes microphonisées aux joueurs marseillais entendues lors du match contre le Zenit : » Marchez-leur dessus ! Coupez-les en deux ! ») ou de jouer dans le registre de la vulgarité à dominante bucco-anale, tirant toujours plus le supporterisme vers le bas. Ils ont d’ailleurs apparemment de plus en plus de mal à se faire entendre de leurs troupes et à mobiliser les énergies, seul le » Aux armes » faisant vraiment l’unanimité.
3. Le Vélodrome est en train de devenir, au mieux, le lieu de pèlerinage des illusions perdues ( » ah la la le but de Waddle en 91 contre le Milan, c’était là-bas, côté virage Sud, et celui de Boli en 93 contre le PSG, c’était ici, côté virage Nord, tu te souviens ? « ), une sorte de stade-musée où certains viennent comme on se rend à Pompei ou Herculanum, pour contempler avec nostalgie les vestiges d’un empire disparu. Mais au pire il devient (il est devenu ?) le lieu où s’expriment (s’éructent ?) les frustrations les plus enfouies, la violence virtuelle la moins avouable…. Il reste à espérer que cette violence verbale ne dépasse jamais le stade du virtuel et que le Vélodrome n’ait jamais dans son enceinte l’équivalent d’un Kop de Boulogne.
4. Il aura donc fallu que la direction actuelle du club adopte une attitude d’opposition vigoureuse pour se gagner le respect officiel des groupes de supporters par banderole interposée. Mais se construire » contre « , c’est très représentatif d’un stade de développement assez infantile où l’on cherche uniquement à affirmer son identité, et il arrive un moment où il faut passer à l’âge adulte : se construire « pour », autour d’un vrai projet. L’OM d’aujourd’hui en semble encore bien loin.
Voilà donc ce qui caractérise le Vélodrome aujourd’hui : usure de la passion et recherche d’identité. Et à l’origine de ce double phénomène, une usurpation d’identité : celle de RLD actionnaire principal de l’OM. Tout montre que nous assistons à la fin d’un cycle : le sien. L’OM a aujourd’hui besoin d’un électro-choc, qui ne peut, objectivement, être que son retrait.
Personne ne peut le contraindre à vendre, c’est bien clair. Mais un homme aussi intelligent que lui peut et doit comprendre qu’il faut savoir, le moment venu, tourner la page. Pourquoi s’obstiner, persister dans l’échec ? Cet OM-là a besoin de quelqu’un qui ait envie de démarrer quelque chose de grand avec lui, d’un passionné qui rêve d’initier un mouvement nouveau, d’enclencher une marche en avant qui illustre la devise du club.
L’épisode des minots à Paris n’est qu’un cache-misère séducteur et réducteur, un antalgique à action apaisante mais limitée dans le temps. Car actuellement, avec des hauts (de plus en plus rares) et des bas (de plus en plus fréquents), l’OM ressemble trop à un club sans projet, sans dynamique, sclérosé, au point mort, encalminé, ensablé, embourbé, figé dans un immobilisme mortifère.